Le prolapsus valvulaire mitral est un ballonnement ou une protrusion, d'une des valves mitrales dans l'oreillette gauche pendant la systole. La cause la plus fréquente est la dégénérescence idiopathique myxoïde. Le prolapsus valvulaire mitral est habituellement bénin, mais les complications comprennent l'insuffisance mitrale, l'endocardite et la rupture des cordages. Le prolapsus valvulaire mitral est habituellement asymptomatique, en l'absence de régurgitation significative, bien que certains patients éprouvent des douleurs thoraciques, une dyspnée, des étourdissements et des palpitations. Les signes cliniques comprennent un clic mésosystolique, suivi d'un souffle télésystolique si une régurgitation est présente. Le diagnostic repose sur l'examen clinique et l'échocardiographie. Le pronostic est excellent en l'absence de régurgitation significative, mais une rupture de cordages et une endocardite peuvent survenir. Aucun traitement spécifique n'est nécessaire, sauf en cas de régurgitation (insuffisance) mitrale importante.
(Voir aussi Revue générale des valvulopathies cardiaques.)
Le prolapsus valvulaire mitral est fréquent; sa prévalence est de 2,4% dans une population autrement normale, suivant les critères échocardiographiques utilisés (1). Les femmes et les hommes sont touchés de la même manière; le début suit habituellement la phase de croissance rapide de l'adolescence.
Référence
1. Freed LA, Levy D, Levine RA, et al. Prevalence and clinical outcome of mitral-valve prolapse. N Engl J Med 1999;341(1):1-7. doi:10.1056/NEJM199907013410101
Étiologie du prolapsus valvulaire mitral
Le prolapsus valvulaire mitral est le plus souvent provoqué par la:
Dégénérescence myxoïde les valves et des cordages tendineux mitraux
Dans la dégénérescence myxomateuse, la couche de collagène fibreux de la valvule s'amincit et du matériel mucoïde (myxomateux) s'accumule. Le cordes s'allongent et s'amincissent et les valves de la valvule s'agrandissent et deviennent caoutchouteux. Ces anomalies entraînent une distension des valves mitrales qui peuvent se prolaber dans l'oreillette gauche lorsque le ventricule gauche se contracte. La rupture d'une corde dégénérée peut permettre à une partie de la valve de la valvule de passer dans l'oreillette, ce qui provoque généralement une régurgitation sévère.
La dégénérescence est habituellement idiopathique, bien qu'elle puisse être transmise selon un mode autosomique dominant ou, rarement, sur un mode récessif lié au chromosome X. La dégénérescence myxoïde peut également être due à une pathologie du tissu conjonctif ou à des maladies rhumatismales systémiques (p. ex., syndrome de Marfan, syndrome d'Ehlers-Danlos, forme adulte de la polykystose rénale, ostéogenèse imparfaite, pseudo-xanthome élastique, lupus érythémateux disséminé, polyartérite noueuse) et dystrophies musculaires. Le prolapsus valvulaire mitral est plus fréquent en cas de maladie de Graves-Basedow, d'hypomastie, de maladie de Willebrand, de drépanocytose et d'atteinte cardiaque rhumatismale.
La dégénérescence myxoïde affecte moins souvent la valvule aortique ou la tricuspide, induisant un prolapsus aortique ou tricuspidien.
La disjonction annulaire mitrale est un décollement partiel de l'anneau mitral du myocarde ventriculaire adjacent pendant la systole, permettant une hypermobilité de la valve mitrale. La disjonction annulaire mitrale est fortement associée au prolapsus valvulaire mitral et aux troubles du rythme ventriculaires. L'identification de la disjonction annulaire mitrale peut modifier la technique chirurgicale utilisée pour la réparation de la valvule mitrale.
Une insuffisance mitrale due à un prolapsus valvulaire mitral peut se produire avec des valves mitrales apparemment normales (c'est-à-dire, non myxoïdes) en cas de dysfonctionnement ischémique du muscle papillaire ou de rupture des cordes rhumatismale. Un prolapsus valvulaire mitral transitoire peut survenir lorsque la volémie diminue de manière importante, comme dans les déshydratations sévères ou parfois pendant la grossesse (lorsque la femme est couchée et que l'utérus gravide comprime la veine cave inférieure, entraînant une réduction du retour veineux).
Complications
L'insuffisance mitrale est la complication la plus fréquente du prolapsus valvulaire mitral. L'insuffisance mitrale peut être aiguë (par rupture des cordages tendineux qui aboutit à des valves mitrales flottantes) ou chronique.
Les séquelles du prolapsus valvulaire mitral avec insuffisance mitrale comprennent l'insuffisance cardiaque, l'endocardite infectieuse et la fibrillation auriculaire avec thromboembolie. Il n'est pas certain que le prolapsus valvulaire mitral soit la cause d'accidents vasculaires cérébraux ou d'endocardite en dehors de la présence d'une insuffisance mitrale ou de fibrillation auriculaire.
L'ectopie ventriculaire est fréquente dans le prolapsus valvulaire mitral. Des troubles du rythme ventriculaires sévères ou une charge ectopique élevée se produisent dans < 10% des cas et sont associés à des morts subites cardiaques (1). Les caractéristiques associées aux arythmies sévères incluent un changement myxomateux sévère des feuillets valvulaires, une régurgitation mitrale sévère, une fibrose myocardique et la disjonction annulaire mitrale (2). La disjonction annulaire mitrale est réparée chirurgicalement, et non par réparation transcathéter bord à bord (TEER).
Références pour l'étiologie
1. Essayagh B, Sabbag A, Antoine C, et al. Presentation and Outcome of Arrhythmic Mitral Valve Prolapse. J Am Coll Cardiol 2020;76(6):637-649. doi:10.1016/j.jacc.2020.06.029
2. Essayagh B, Sabbag A, El-Am E, Cavalcante JL, Michelena HI, Enriquez-Sarano M. Arrhythmic mitral valve prolapse and mitral annular disjunction: pathophysiology, risk stratification, and management. Eur Heart J 2023;44(33):3121-3135. doi:10.1093/eurheartj/ehad491
Symptomatologie du prolapsus valvulaire mitral
La plupart des patients présentant un prolapsus valvulaire mitral sont asymptomatiques. Certains éprouvent des symptômes non spécifiques (p. ex., douleur thoracique, dyspnée, palpitations, sensations lipothymiques, quasi-syncopes, migraines, anxiété), qui seraient attribués à des anomalies associées de la signalisation et de la sensibilité adrénergiques plutôt qu'à une pathologie valvulaire mitrale. Chez certains patients, le stress émotionnel entraîne des palpitations, qui peuvent être un signe de troubles du rythme bénins (extrasystoles auriculaires, tachycardie auriculaire paroxystique, extrasystoles ventriculaires, ectopies ventriculaires complexes).
Parfois, les patients ont à la présentation une insuffisance mitrale. Rarement, les patients ont à la présentation une endocardite (p. ex., avec fièvre, perte de poids, phénomènes thrombo-emboliques) ou un accident vasculaire cérébral. La mort subite survient chez < 1% des patients, le plus souvent chez ceux présentant une rupture ou une autre anomalie des cordages tendineux et/ou des feuillets valvulaires mitraux flottants. Le décès dû à une arythmie ventriculaire est considéré comme rare, mais une fraction significative des patients qui font une mort cardiaque subite n'a pas d'anomalie cardiaque structurelle associée (1, 2).
D'autres signes cliniques associés au prolapsus valvulaire mitral, mais non diagnostiques, comprennent l'hypomastie, le pectus excavatum, l'hypocyphose (p. ex., syndrome du dos droit) et un diamètre thoracique antéropostérieur étroit.
Auscultation
Clic méso-systolique
Généralement, le prolapsus valvulaire mitral n'entraîne aucun signe cardiaque visible ou palpable.
Le prolapsus valvulaire mitral seul cause souvent un clic mésosystolique lorsque l'appareil sous-valvulaire se resserre brusquement. La meilleure façon d'entendre le clic est en plaçant le diaphragme du stéthoscope à l'apex du cœur lorsque le patient est en décubitus latéral gauche. Le prolapsus mitral avec insuffisance mitrale cause un clic avec un souffle d'insuffisance mitrale télésystolique. Le clic se rapproche du 1er bruit cardiaque (B1) lors des manœuvres qui diminuent le volume du ventricule gauche (p. ex., assis, debout, manœuvre de Valsalva); les mêmes manœuvres entraînent une apparition du souffle d'insuffisance mitrale, ou celui-ci devient plus intense et dure plus longtemps. La diminution de taille du ventricule gauche entraîne le repositionnement central plus rapide des muscles papillaires et des cordages sous la valvule, cela induit un prolapsus plus précoce et donc une régurgitation plus importante. À l'inverse, la position accroupie ou un effort de serrage isométrique des mains retarde le délai B1 clic et raccourcit la durée du souffle d'insuffisance mitrale.
Le clic systolique peut être confondu avec le clic du rétrécissement aortique congénital, qui peut être distingué parce qu'il se produit très précocement dans la systole et n'est pas modifié par la position ou les variations de volume du ventricule gauche. D'autres signes comprennent un sifflement systolique ou cri, dus à la vibration des valves; ces signes sont généralement transitoires et peuvent varier avec la phase respiratoire. Un claquement d'ouverture diastolique précoce dû au retour du feuillet prolabé à sa position normale est rarement entendu. Chez certains patients, notamment les enfants, les signes de prolapsus valvulaire mitral peuvent être plus évidents après l'effort.
Références pour la symptomatologie
1. Han HC, Ha FJ, Teh AW, et al. Mitral Valve Prolapse and Sudden Cardiac Death: A Systematic Review. J Am Heart Assoc 2018;7(23):e010584. doi:10.1161/JAHA.118.010584
2. Nalliah CJ, Mahajan R, Elliott AD, et al. Mitral valve prolapse and sudden cardiac death: a systematic review and meta-analysis. Heart 2019;105(2):144-151. doi:10.1136/heartjnl-2017-312932
Diagnostic du prolapsus valvulaire mitral
Échocardiographie
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Le diagnostic de prolapsus de la valvule mitrale est suggéré cliniquement et confirmé par l'échocardiographie. Des valves de la valvule mitrale épaissies (≥ 5 mm), redondantes témoignent d'une dégénérescence myxoïde étendue et d'un risque plus important d'endocardite et d'insuffisance mitrale.
La disjonction annulaire mitrale est diagnostiquée échocardiographiquement lorsque l'analyse image par image de l'anneau postérolatéral en vue transthoracique parasternale en grand axe révèle une séparation systolique de l'anneau et du myocarde ventriculaire de quelques millimètres jusqu'à un centimètre.
La disjonction annulaire mitrale est associée à un risque accru de mort subite due à une arythmie et une surveillance ambulatoire du rythme cardiaque est recommandée.
Traitement du prolapsus valvulaire mitral
Habituellement aucun
Parfois, bêta-bloqueurs
Le prolapsus valvulaire mitral ne nécessite habituellement pas un traitement.
Les bêta-bloqueurs (p. ex., aténolol, propranolol) et les inhibiteurs calciques (p. ex., vérapamil) diminuent les symptômes de l'ectopie associée, mais il n'y a aucune preuve qu'ils améliorent le pronostic.
Un traitement de la fibrillation auriculaire peut être nécessaire.
Le traitement de l'insuffisance mitrale dépend de sa sévérité et de son retentissement sur l'oreillette gauche et le ventricule gauche.
L'antibioprophylaxie contre l'endocardite n'est pas recommandée, sauf après remplacement valvulaire.
Des anticoagulants pour prévenir les accidents thrombo-emboliques ne sont recommandés qu'en cas de fibrillation auriculaire ou après un accident ischémique transitoire ou un accident vasculaire cérébral. (Voir aussi Anticoagulation chez les patients porteurs de valvule cardiaque prothétique ou atteints de valvulopathie sur valvule native.)
Pronostic du prolapsus valvulaire mitral
Le prolapsus de la valve mitrale est habituellement bénin, mais la dégénérescence myxomateuse sévère de la valve peut conduire à une insuffisance mitrale. Le risque de progression vers une insuffisance mitrale sévère est lié à la fois à la sévérité lors du diagnostic initial et aux facteurs anatomiques spécifiques de la valve mitrale elle-même (1, 2). L'incidence d'événements cardiaques (endocardite, accident vasculaire cérébral, événement cardioembolique) chez les patients qui ont une insuffisance mitrale significative due au prolapsus de la valve mitrale peut atteindre 4% annuellement (3). La prévalence du prolapsus de la valve mitrale est également plus élevée chez les patients qui font une mort cardiaque subite que dans la population générale, ce qui suggère une association (4).
Références pour le pronostic
1. Delling FN, Rong J, Larson MG, et al. Evolution of Mitral Valve Prolapse: Insights From the Framingham Heart Study. Circulation 2016;133(17):1688-1695. doi:10.1161/CIRCULATIONAHA.115.020621
2. Ma JI, Igata S, Strachan M, et al. Predictive Factors for Progression of Mitral Regurgitation in Asymptomatic Patients With Mitral Valve Prolapse. Am J Cardiol 2019;123(8):1309-1313. doi:10.1016/j.amjcard.2019.01.026
3. Mecarocci V, Mori F. P210Long- term outcome of primary mitral valve prolapse: results from a population of 250 patients referred to a tertiary cardiovascular center. Eur Heart J Cardiovasc Imaging 2016;17(suppl_2):ii29-ii37. doi:10.1093/ehjci/jew236.001
4. Nalliah CJ, Mahajan R, Elliott AD, et al. Mitral valve prolapse and sudden cardiac death: a systematic review and meta-analysis. Heart 2019;105(2):144-151. doi:10.1136/heartjnl-2017-312932
Points clés
Le prolapsus valvulaire mitral est le plus souvent causé par la dégénérescence myxoïde idiopathique de la valvule mitrale et des cordages tendineux.
L'insuffisance mitrale est la complication la plus fréquente.
Les bruits du cœur comprennent souvent un clic net mésosystolique qui se produit plus tôt, sous l'effet de la manœuvre de Valsalva.
Le pronostic est généralement bénin, sauf si une insuffisance mitrale se développe, dans ce cas, il y a un risque accru d'insuffisance cardiaque, de fibrillation auriculaire, d'accident vasculaire cérébral, et d'endocardite infectieuse.
Le traitement n'est pas nécessaire, sauf si une insuffisance mitrale importante se développe.
