Évaluation du patient présentant un trouble rénal

ParGeetha Maddukuri, MD, Saint Louis University
Vérifié/Révisé sept. 2022
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Les patients porteurs de pathologies uro-néphrologiques peuvent présenter une symptomatologie non spécifique et/ou peu évocatrice jusqu'à ce que la pathologie soit à un stade très évolué. La symptomatologie peut être locale (p. ex., reflétant une inflammation ou une masse rénale), comportant le cas échéant des modifications de la diurèse ou de l'aspect des urines (p. ex., modification des urines elles-mêmes ou de la production de l'urine). (Voir aussi Évaluation du patient urologique.)

Anamnèse du patient présentant un trouble rénal

L'analyse des antécédents est peu informative, car les symptômes ne sont pas spécifiques.

L'hématurie est relativement spécifique d'un trouble génito-urinaire. Néanmoins, une coloration en rouge des urines peut témoigner des troubles suivants:

  • Myoglobinurie

  • Hémoglobinurie

  • Porphyrinurie

  • Porphobilinurie

  • Coloration des urines induite par des aliments (certains aliments, p. ex., betteraves, rhubarbe, certains colorants alimentaires peuvent colorer l'urine en rouge)

  • Coloration des urines induite par des médicaments (certains médicaments, le plus souvent, la phénazopyridine, mais parfois le cascara, la diphénylhydantoïne, la rifampicine, la méthyldopa, la phénacétine, la phénindione, la phénolphthaléïne, les phénothiazines et le séné peuvent colorer l'urine en jaune foncé à orange ou rouge)

Des concentrations élevées de protéines dans les urines peuvent entraîner un aspect mousseux. La pollakiurie (uriner plus souvent) doit être distinguée de la polyurie (uriner des volumes plus importants que la normale) chez les patients qui indiquent un volume urinaire excessif. La nycturie peut être une caractéristique des deux troubles, mais est souvent due à un apport excessif de liquide trop près de l'heure du coucher, à une augmentation de volume de la prostate ou à une maladie rénale chronique. Les antécédents familiaux sont utiles pour identifier les modes de transmission et les risques de polykystose rénale ou d'autres néphropathies héréditaires (p. ex., une néphrite héréditaire, la maladie des membranes basales minces, le syndrome ongles-rotule [nail-patella syndrome], la cystinurie, l'hyperoxalurie). La douleur de l'hypochondre peut être secondaire à une pyélonéphrite ou à une obstruction due à des calculs rénaux.

Examen clinique du patient rénal

Les patients atteints de maladie rénale chronique modérée ou sévère ont parfois un aspect pâle, amaigri, ou malade. Des respirations profondes (dyspnée de Kussmaül) suggèrent une hyperventilation en réponse à une acidose métabolique avec acidémie. Les patients qui ont un syndrome néphrotique et une surcharge liquidienne peuvent présenter un gonflement périorbitaire et un œdème des membres.

Examen thoracique

L'insuffisance rénale peut entraîner un épanchement pleural ou péricardique. Les patients peuvent présenter des crépitants pulmonaires secondaires à un œdème pulmonaire dû à une rétention liquidienne en cas de maladie rénale aiguë ou chronique.

Examen abdominal

La déformation visible de l'abdomen est une manifestation inhabituelle et non spécifique de la polykystose rénale. L'examen clinique peut également mettre en évidence un contact lombaire orientant vers une masse rénale. Un souffle doux, latéral est parfois audible dans l’épigastre ou dans l’hypochondre en cas de sténose de l’artère rénale; la présence d’une composante diastolique augmente la probabilité d'une HTA rénovasculaire.

La douleur entraînée par une percussion douce dans le dos, les hypochondres et l'angle formé par la 12e côte et le rachis lombaire (sensibilité costovertébrale) peut indiquer une pyélonéphrite ou une obstruction urinaire (p. ex., par des calculs). Les reins normaux ne sont habituellement pas palpables. Cependant, chez certaines patientes, le pôle inférieur du rein droit peut parfois être perçu lors d'une palpation lombaire lors d'une inspiration profonde. De gros reins ou masses rénales peuvent parfois être perçus sans manœuvre particulière. Chez le nouveau-né, les reins sont perçus avec les pouces, ceux-ci étant placés en avant, alors que les autres doigts sont situés postérieurement au niveau de la fosse lombaire.

La transillumination peut différencier des tumeurs solides de masses rénales kystiques chez certains enfants de < 1 an, si le rein et la masse sont manipulés contre la paroi abdominale.

Examen cutané

La maladie rénale chronique peut provoquer les anomalies suivantes:

  • Xérose due à une atrophie des glandes sébacées et sudoripares

  • Pâleur due à l'anémie

  • Hyperpigmentation due à des dépôts de mélanine

  • Couleur jaune ou jaune-brun de la peau en raison de dépôts urochromes

  • Pétéchies ou ecchymoses dues à un dysfonctionnement plaquettaire

  • Excoriations dues à un prurit causé par l'hyperphosphatémie ou l'urémie

La rosée urémique, dépôt de cristaux d'urée blancs à brun clair sur la peau après évaporation de la sueur, est rare.

Examen neurologique

En cas d’insuffisance rénale aiguë, le patient peut être somnolent ou confus; le langage peut être ralenti. Un astérixis peut être détecté dans l’écriture ou par l’observation des mains, bras tendus, mains en extension, doigts écartés; après plusieurs secondes des mouvements alternatifs de rapprochement et d’écartement des doigts, de flexion et d’extension des articulations métacarpophalangiennes et du poignet sont observées témoignant d'un astérixis. L'astérixis suggère l'une des pathologies suivantes:

Tests du patient rénal

Les étapes initiales de l'évaluation des troubles rénaux sont les suivantes:

  • Analyse d'urines

  • Créatinine sérique

D'autres examens d'urine, de sang et d'imagerie (p. ex., échographie, TDM, IRM) sont effectués dans des circonstances spécifiques. L’idéal est que le prélèvement d’urine soit prélevé au milieu de la première miction du matin après nettoyage du méat urétral (par la méthode du milieu de jet); les urines doivent être immédiatement examinées, car tout retard peut entraîner des perturbations des résultats de l’examen. Le sondage vésical ou le cathétérisme sus-pubien peuvent être utilisés pour prélever les urines lorsque celles-ci ne peuvent être obtenues par miction spontanée ou lorsque des sécrétions vaginales contaminent les prélèvements d'urine. Cependant, le traumatisme du cathétérisme peut faussement augmenter le nombre de globules rouges dans le prélèvement, de sorte que le cathétérisme est généralement évité si le résultat d'intérêt est une hématurie microscopique. Un prélèvement d'urines à partir d'une poche collectrice n'est pas acceptable pour les examens microscopiques ou bactériologiques.

Analyse d'urines

Une analyse d'urines doit comporter les points suivants:

  • Inspection pour évaluer la couleur, l'aspect et l'odeur

  • Mesure du pH, de la densité, des protéines, du glucose, de l'hémoglobine (suggérant des globules rouges), des nitrites et de l'estérase des globules blancs par des bandelettes réactives

  • Analyse microscopique à la recherche de cylindres, de cristaux et de cellules (sédiment urinaire)

La bilirubine et l'urobilinogène, bien qu'évaluées par de nombreuses bandelettes réactives, est peu utile dans le bilan des pathologies rénales ou hépatiques.

La couleur est l'attribut le plus évident des urines et l'évaluation de la couleur des urines est un point important de l'analyse (voir tableau Causes de modification de la couleur des urines). La couleur de l'urine peut orienter vers différentes étiologies et orienter les examens complémentaires.

Tableau

L'odeur, souvent notée non intentionnellement lors d'une inspection visuelle, n'apporte des informations utiles que dans de rares cas de pathologies héréditaires du métabolisme des acides aminés (p. ex., sirop d'érable pour la maladie des urines à odeur de sirop d'érable, [leucinose], odeur de pieds en sueur pour l'acidose isovalérique ou d'urine de chat pour le déficit multiple en carboxylase [voir tableau Troubles du métabolisme des acides aminés ramifiés]).

Le pH va normalement de 5,0 à 6,0 (intervalle 4,5 à 8,0). La mesure avec une électrode à pH en verre est recommandée lorsque des valeurs précises sont nécessaires pour la prise de décision, comme dans le cadre du diagnostic d’acidose tubulaire rénale; dans ces cas, une couche d’huile de paraffine doit être ajoutée aux prélèvements d’urine pour empêcher l'échappement de dioxyde de carbone. Un retard dans le traitement d'un prélèvement peut augmenter le pH car de l'ammoniac est libéré lorsque les bactéries dégradent l'urée. Une infection par des agents pathogènes, producteurs d'uréase, peut faussement augmenter le pH.

La densité spécifique procure une mesure brute de la concentration urinaire (osmolalité). La normale est de 1,001 à 1,035; les valeurs peuvent être basses chez les patients âgés ou insuffisants rénaux, qui concentrent moins bien l'urine. Elle est évaluée à l'aide d'un hydromètre ou d'un réfractomètre ou estimée au moyen d'une bandelette. La précision des bandelettes est controversée, mais le test peut être suffisant en cas de calculs chez des patients qui peuvent ainsi autocontrôler la concentration de leur urine et maintenir une urine diluée. La densité spécifique, par bandelettes, peut être faussement élevée, lorsque le pH urinaire est < 6 ou faussement basse, lorsque le pH est > 7. Les mesures par hydromètre et réfractomètre sont augmentées par des taux élevés de grosses molécules (p. ex., produits de contraste iodés, albumine, glucose, carbénicilline) dans l'urine.

Les protéines, détectées par des bandelettes réactives standards, reflètent principalement la concentration urinaire en albumine, classées comme négatives (< 10 mg/dL), traces (15 à 30 mg/dL) ou 1+ (30 à 100 mg/dL) jusqu'à 4+ (> 500 mg/dL). Une albuminurie modérément augmentée (précédemment appelée microalbuminurie), un marqueur important de complications rénales en cas de diabète, n’est pas détectée par des bandelettes standard. Des bandelettes spéciales pour la microalbumine sont disponibles. Les protéines de chaîne légère (p. ex., dues à un myélome multiple) ne sont également pas détectées. L’importance de la protéinurie dépend de l’excrétion de protéines totales, plutôt que la concentration de protéines estimée par bandelette; ainsi, quand la protéinurie est détectée par bandelette urinaire, des mesures quantitatives des protéines urinaires doivent être effectuées au laboratoire. Des résultats faussement négatifs peuvent résulter d'urines diluées. Un résultat faux positif peut être provoqué par l'un des phénomènes suivants:

  • pH élevé (> 9)

  • Présence de cellules

  • Produits de contraste radio-opaques

  • Urine concentrée

Le glucose apparaît habituellement dans les urines lorsque la glycémie augmente > 180 mg/dL (> 10,0 mmol/L) et la fonction rénale est normale. Le seuil de détection par bandelettes urinaires est de 50 mg/dL (2,8 mmol/L). Toute présence est anormale. Des résultats faussement bas ou négatifs peuvent résulter de la présence de l'un des éléments suivants:

  • Acide ascorbique

  • Cétones

  • Aspirine

  • Lévodopa

  • Tétracycline

  • pH urinaire très élevé

  • Urine diluée

Du glucose peut apparaître dans l'urine malgré une glycémie normale dans le syndrome de Fanconi (anomalie du tubule proximal), la glucosurie rénale et en cas d'utilisation d'un inhibiteur de SGLT2 (sodium-glucose co-transporter 2).

Une hématurie est détectée quand la lyse des globules rouges sur la bande réactive d'un examen par bandelettes libère de l'hémoglobine (Hb) et entraîne un changement de couleur. L'échelle va de négatif (0) à 4+. Les traces de sang (correspondant à 3 à 5 globules rouges/champ à fort grossissement du microscope) sont normales dans certaines circonstances (p. ex., effort) chez certains patients. En effet, le réactif du test par bande réagit avec l'hémoglobine, l'hémoglobine libre (p. ex., provenant d'une hémolyse intravasculaire) ou la myoglobine (p. ex., due à une rhabdomyolyse) et entraîne un résultat positif. L'hémoglobinurie et la myoglobinurie se distinguent de l'hématurie par l'absence de globules rouges à l'examen microscopique et par le type de changement de couleur sur la bande test. Les globules rouges créent un motif pointillé ou tacheté; l’hémoglobine et la myoglobine libres provoquent un changement de couleur uniforme. La povidone iodée entraîne des résultats faussement positifs (coloration uniforme); l’acide ascorbique provoque des résultats faussement négatifs.

Les nitrites sont produits lorsque les bactéries réduisent les nitrates urinaires dérivés du métabolisme des acides aminés. Les nitrites ne sont normalement pas présents et signifient la présence d'une bactériurie. Le test est positif ou négatif. Des résultats faux négatifs peuvent survenir dans l'un des cas suivants:

  • L'infection par certains agents pathogènes qui ne peuvent pas convertir les nitrates en nitrites (p. ex., Enterococcus faecalis, Neisseria gonorrhoeae, Mycobacterium tuberculosis)

  • L'urine qui n'est pas restée assez longtemps (< 4 heures) dans la vessie

  • Une excrétion urinaire basse des nitrates

  • Des enzymes (de certaines bactéries) qui réduisent les nitrates en azote

  • Un taux urinaire d'urobilinogène élevé

  • La présence d'acide ascorbique

  • Un pH urinaire < 6,0

Les nitrites sont utilisés principalement en association avec des tests à l'estérase leucocytaire chez des patients présentant des infections urinaires à répétition, en particulier l'enfant qui présente un reflux vésico-urétéral ou parfois pour confirmer le diagnostic d'infection urinaire non compliquée chez la femme en âge de procréer.

L'estérase des GB est libérée par des polynucléaires neutrophiles lysés. Sa présence dans l'urine reflète une inflammation aiguë, le plus souvent due à une infection bactérienne mais parfois due à une néphrite interstitielle, une lithiase urinaire ou une tuberculose rénale. Le seuil de détection est de 5 globules blancs/champ à fort grossissement du microscope et les résultats des tests vont de négatif à 4+. L'examen n'est pas très sensible pour détecter une infection urinaire. La contamination d'un prélèvement d'urine par la flore vaginale est la cause la plus fréquente de résultats faussement positifs. Des résultats faussement négatifs peuvent résulter des cas suivants:

  • Urines très diluées

  • Glycosurie

  • Urobilinogène

  • Utilisation de phénazopyridine, de nitrofurantoïne, de rifampicine ou de grandes quantités de vitamine C

L'estérase leucocytaire est utilisée principalement dans les tests de recherche des nitrites afin de suivre des patients présentant des infections urinaires récidivantes ou parfois pour diagnostiquer des infections urinaires non compliquées chez la femme en âge de procréer. Si ces deux tests sont négatifs, la probabilité d'un ECBU positif est faible.

Analyse microscopique de l'urine

La détection d'éléments solides (cellules, cylindres, cristaux) est effectuée par une analyse microscopique, idéalement pratiquée immédiatement après la miction ou grâce aux tests par bandelettes. Le prélèvement est préparé par centrifugation de 10 à 15 mL d'urine à 1500 à 2500 tours/min pendant 5 min. Le surnageant est complètement décanté; une petite quantité d’urine reste avec le culot au fond du tube de centrifugation. Le culot est remis en solution en agitant doucement le tube. Une goutte est prélevée à la pipette sur une lame et recouverte d'une lamelle. Pour une analyse microscopique de routine, la coloration est facultative. Le prélèvement est examiné sous lumière réduite avec l’objectif à basse puissance et sous lumière à pleine intensité avec l’objectif à fort grossissement; celui-ci est généralement utilisé pour les estimations semi-quantitatives (p. ex., 10 à 15 globules blancs/champ à fort grossissement du microscope). La lumière polarisée est utilisée pour identifier certains cristaux et les lipides dans l'urine. La microscopie à contraste de phase permet de mieux repérer les cellules et les cylindres.

Les cellules épithéliales (tubulaires rénales, urothéliales [transitionnelles], malpighienne) sont fréquemment retrouvées dans les urines; les plus fréquentes sont les cellules épithéliales de l'urètre distal ou provenant du vagin. Seules les cellules tubulaires rénales sont importantes pour établir un diagnostic; cependant, sauf lorsqu’elles sont retrouvées dans les cylindres, elles sont difficiles à distinguer des cellules transitionnelles. Quelques cellules tubulaires rénales sont présentes dans l'urine normale, mais si leur nombre est très important, on évoquera une lésion tubulaire (p. ex., nécrose tubulaire aiguë, néphrite tubulo-interstitielle, néphrotoxines, syndrome néphrotique).

La présence de globules rouges< 3/champ à fort grossissement du microscope peut être normal (< 5/champ à fort grossissement du microscope est parfois normal, p. ex., après l'effort) et toute hématurie isolée doit être interprétée selon son contexte clinique. À l’examen microscopique, les globules rouges d’origine glomérulaires sont plus petits et dysmorphiques, avec des spicules, des plis et des vésicules; les globules rouges non glomérulaires conservent leur forme et dimensions normales.

La présence de globules blancs< 5/champ à fort grossissement du microscope peut être normale; une coloration spéciale peut distinguer les éosinophiles des neutrophiles (voir Autres analyses d'urine). La pyurie est définie par > 5 globules blancs/champ à fort grossissement du microscope dans un prélèvement d’urine centrifugé.

La lipidurie est très caractéristique du syndrome néphrotique; les cellules tubulaires rénales absorbent des lipides filtrés qui apparaissent au microscope comme des corps gras ovales et du cholestérol qui produit un motif de croix de Malte sous la lumière polarisée. Les lipides et le cholestérol peuvent également être présents librement dans l'urine ou être incorporés dans les cylindres.

Les cristaux dans l'urine sont fréquents et habituellement cliniquement insignifiants (voir tableau Types fréquents de cristaux urinaires). La formation de cristaux dépend de l'ensemble des éléments suivants:

  • Concentration de l'urine en constituants des cristaux

  • pH

  • Absence d'inhibiteurs de cristallisation

Les médicaments sont une cause méconnue des cristaux (voir tableau Médicaments qui causent la formation de cristaux).

Tableau
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Les cylindres sont constitués d'une glycoprotéine de fonction inconnue (protéine de Tamm-Horsfall) sécrétée par l'épaisse anse ascendante de Henlé. Les cylindres sont de forme cylindrique et ont des marges régulières. Leur présence indique une origine rénale, qui peut être utile pour le diagnostic. Les types de cylindres diffèrent par leurs constituants et leurs aspects (voir tableau Cylindres urinaires).

Tableau

Autres analyses d'urine

D'autres tests sont utiles dans des cas spécifiques.

L'excrétion de protéines peut être mesurée sur un prélèvement de 24 heures ou être estimée par le rapport protéine/créatinine qui, dans un prélèvement d'urine aléatoire, est bien corrélée aux valeurs en g/1,73 m2de surface corporelle à partir d'un recueil de 24 heures (p. ex., 400 mg/dL de protéines et 100 mg/dL de créatinine dans un prélèvement aléatoire égale 4 g/1,73 m2 dans un recueil de 24 heures). Le ratio protéine/créatinine est moins fiable lorsque l'excrétion de la créatinine est très augmentée (p. ex., chez les sportifs musclés) ou diminuée (p. ex., en cas de cachexie).

Une albuminurie modérément augmentée (précédemment appelée microalbuminurie) correspond à une excrétion persistante d'albumine de 30 à 300 mg/jour (20 à 200 mcg/min); des quantités moindres sont considérées normales et des quantités > 300 mg/jour (> 200 mcg/min) sont considérées comme une protéinurie avérée (albuminurie sévèrement augmentée). L'utilisation du rapport albumine/urinaire-créatinine urinaire est un test de dépistage fiable et plus adapté parce qu'il évite un prélèvement d'urine planifié et qu'il correspond bien aux valeurs obtenues sur 24 heures. Une valeur > 30 mg/g (> 0,03 mg/mg) évoque une albuminurie modérément augmentée. La fiabilité du test est meilleure sur un prélèvement du milieu de matinée et lorsque tout effort intense est évité avant le test parce qu'un exercice vigoureux peut causer la positivité de la bandelette réactive pour la protéine, et en l'absence d'une production inhabituelle de créatinine (patient cachectique ou très musclé). Une modérément augmentée peut se produire dans tous les cas suivants:

Une albuminurie modérément augmentée est le stade précoce de la maladie rénale diabétique de type 1 et 2; la progression de la maladie rénale est plus prévisible dans le type 1 que dans le type 2. Une albuminurie modérément augmentée est un facteur de risque de troubles et de mortalité cardiovasculaires précoces indépendamment du diabète ou de l'HTA.

Les tests par bandelettes d'acide sulfosalicylique (SSA) sont utilisés pour détecter des protéines autres que l'albumine (p. ex., immunoglobulines dans le myélome multiple) lorsque les tests à bandelette urinaire sont négatifs; le surnageant de l’urine mélangé avec du SSA devient turbide en présence d’une protéine. Le test est semi-quantitatif avec une échelle de 0 (aucune turbidité) à 4+ (précipité floconneux). Les résultats sont faussement élevés par les produits de contraste.

Les cétones se répandent dans l'urine en cas de cétonémie, mais l'utilisation de bandelettes de test pour mesurer les cétones urinaires n'est plus recommandée car elles ne mesurent que l'acide acétoacétique et l'acétone, mais pas l'acide bêta-hydroxybutyrique. Ainsi, un résultat faussement négatif est possible même sans cause exogène (p. ex., vitamine C, phénazopyridine, N-acétylcystéïne); la mesure directe des cétones sériques est plus précise. La cétonurie est provoquée par des troubles endocriniens et métaboliques et ne reflète pas un dysfonctionnement rénal.

L'osmolalité, le nombre total de particules dissoutes par masse unitaire (mOsm/kg [mmol/kg]), peut être mesurée directement par osmomètre. Normalement, l'osmolalité est de 50 à (ou 50 à 1200 mmol/kg) (ou 1200 mOsm/kg). La mesure de l'osmolalité est la mesure la plus utile pour évaluer une hypernatrémie, une hyponatrémie, un syndrome de sécrétion inappropriée de l'hormone antidiurétique (SIADH) et un diabète insipide central.

Les mesures électrolytiques permettent de diagnostiquer des troubles spécifiques. Le taux de sodium permet de distinguer une déplétion volémique (Na urinaire < 10 mEq/L [10 mmol/L]) d'une nécrose tubulaire aiguë (Na urinaire > 40 mEq/L [40 mmol/L]), comme cause d'une insuffisance rénale aiguë. La fraction d'excrétion du sodium (FENa) est le pourcentage de sodium filtré qui est excrété. Il est calculé comme le rapport du sodium excrété filtré, qui peut être simplifié comme ce qui suit:

equation

où UNa est le sodium urinaire, PNa est le sodium plasmatique, PCr est la créatinine plasmatique et UCr est la créatinine urinaire.

Ce rapport est une mesure plus fiable qu'UNa seul, car les taux d'UNa entre 10 et 40 mEq/L (ou 10 et 40 mmol/L) ne sont pas spécifiques. Une fraction d'excrétion du sodium (FENa< 1%) est en faveur de causes prérénales, telles qu'une déplétion volémique; cependant, une glomérulonéphrite aiguë ou certains types de nécrose tubulaire aiguë (p. ex., rhabdomyolyse, insuffisance rénale induite par un produit de contraste rx) et une obstruction partielle aiguë peuvent entraîner des fractions d'excrétion du sodium (FENa< 1%). Une valeur > 2% suggère des causes intrarénales telles qu'une nécrose tubulaire aiguë ou une néphrite interstitielle aiguë. Les valeurs entre 1 et 2 sont indéterminées et peuvent résulter, par exemple, d'une nécrose tubulaire aiguë précoce ou de causes prérénales chez des patients qui prennent des diurétiques ou qui ont une maladie rénale chronique.

D'autres mesures utiles sont les suivantes:

Les éosinophiles, des cellules qui se colorent en rouge vif ou en rose clair avec les colorations de Wright ou de Hansel, indiquent le plus souvent les pathologies suivantes:

La cytologie est utilisée pour les causes suivantes:

  • Pour le dépister du cancer dans les populations à haut risque (p. ex., travailleurs de la pétrochimie)

  • Pour évaluer une hématurie indolore persistante d'étiologie incertaine après cystoscopie en l'absence de maladie glomérulaire (suggérée par l'absence de globules rouges dysmorphiques, de protéinurie et d'insuffisance rénale) en cas de symptômes mictionnels irritatifs

La sensibilité est d’environ 90% pour le carcinome in situ; cependant, la sensibilité est considérablement abaissée dans le cas des carcinomes cellulaires transitionnels de bas grade. Les lésions inflammatoires ou hyperplasiques réactionnelles ou les médicaments cytotoxiques pour les carcinomes peuvent entraîner des résultats faussement positifs. La précision pour détecter les tumeurs de la vessie peut être augmentée par le lavage vigoureux de la vessie au moyen d’une petite quantité de sérum physiologique à 0,9% (50 mL poussés puis aspirés à la seringue à travers une sonde). Les cellules recueillies dans le sérum physiologique sont alors concentrées et examinées.

La coloration de Gram et les cultures avec antibiogramme sont indiquées si des infections génito-urinaires sont suspectées; un résultat positif doit être interprété dans le contexte clinique (voir Introduction aux infections des voies urinaires).

Les acides aminés sont normalement filtrés et réabsorbés par les tubules proximaux. Ils peuvent apparaître dans l'urine lorsqu'un défaut du transport tubulaire héréditaire ou acquis est présent (p. ex., le syndrome de Fanconi, cystinurie). La mesure du type et de la quantité d'acides aminés peut être utile pour le diagnostic de certains types de calculs, d'acidose tubulaire rénale et de troubles héréditaires du métabolisme.

Analyses de sang

Des examens sanguins sont utiles dans l'évaluation des troubles rénaux.

Des créatininémies> 1,3 mg/dL (> 114 micromoles/L) chez l'homme et > 1 mg/dL (> 88,4 micromoles/L) chez la femme sont habituellement anormales. La créatininémie dépend de la production de créatinine ainsi que de l'excrétion rénale de la créatinine. Le turnover de la créatinine augmentant avec la masse musculaire, les sujets musclés ont des taux de créatinine sérique plus élevés et les personnes âgées et sous-alimentées ont des taux plus bas.

La créatininémie peut aussi être augmentée dans les situations suivantes:

Les inhibiteurs de l'ECA et les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II diminuent de façon réversible le taux de filtration glomérulaire et augmentent la créatinine parce qu'ils dilatent les artérioles glomérulaires efférentes plus que les afférentes principalement chez les patients déshydratés ou ceux qui reçoivent des diurétiques. En général, les taux de créatinine sérique seule ne sont pas un bon indicateur de la fonction rénale. La formule de Cockcroft-Gault et la formule du groupe de modification du régime en cas de maladie rénale (Modification of Diet in Renal Disease formula) estime le taux de filtration glomérulaire en se basant sur la créatininémie et d'autres paramètres et évalue de façon plus fiable la fonction rénale.

Le rapport urée/créatinine sériques permet de différencier l'urémie prérénale, rénale et postrénale (obstructive); une valeur > 15 est considérée comme anormale et peut être observée en cas d'azotémie pré-rénale et post-rénale. Cependant, l'urée sérique est affectée par les apports protéiques et par plusieurs processus extrarénaux (p. ex., traumatismes, infections, hémorragies gastro-intestinales, corticostéroïdes) et, bien qu'ils soient évocateurs, ils ne sont généralement pas fiables pour l'évaluation des troubles rénaux.

La cystatine C, un inhibiteur de la protéinase sérine qui est produite par toutes les cellules nucléées et filtrée par les reins, peut également être utilisée pour évaluer la fonction rénale. Sa concentration plasmatique est indépendante du sexe, de l'âge, et du poids. Les examens ne sont pas toujours disponibles et les valeurs ne sont pas standardisées d’un laboratoire à l'autre. La mesure de la cystatine C est utilisée pour confirmer la maladie rénale chronique dans des circonstances spécifiques lorsque les calculs du taux de filtration glomérulaire basé sur la créatinine sérique sont moins précis et/ou lorsque le taux de filtration glomérulaire estimé est de 45 à 59 mL/min en l'absence de marqueurs de lésions rénales.

Le ionogramme sanguin (p. ex., sodium [Na], potassium [K], bicarbonate HCO3) peut devenir anormal et le trou anionique (Na – [Cl + HCO3]) peut augmenter dans les lésions rénales aiguës et les maladies rénales chroniques. Les électrolytes sériques doivent être surveillés périodiquement en cas de troubles rénaux.

Une NFS peut détecter une anémie dans les troubles rénaux chroniques ou, exceptionnellement, une polyglobulie dans le carcinome à cellules rénales ou dans la polykystose rénale. L'anémie est souvent multifactorielle (principalement due à une carence en érythropoïétine, et parfois aggravée ou causée par une perte de sang dans les circuits de dialyse ou dans le tube digestif); elle peut être microcytaire ou normocytaire, et peut être hypochrome ou normochrome.

La rénine, une enzyme protéolytique, est stockée dans les cellules rénales juxtaglomérulaires. La sécrétion de rénine est stimulée par un volume et un flux sanguin réduits et est inhibée par la rétention d'eau et de sodium. La rénine plasmatique est analysée en mesurant l'activité de la rénine par la quantité d'angiotensine I générée par heure. Les prélèvements doivent être effectués sur un patient bien hydraté, sans restriction de sodium et de potassium. La rénine plasmatique, l'aldostérone, le cortisol, et l'ACTH doivent être mesurés dans tous les cas suivants:

Le ratio aldostérone/rénine plasmatique calculé à partir de mesures obtenues en position debout est le meilleur test dépistage de l'hyperaldostéronisme, à condition que l'activité rénine plasmatique soit < 0,5 ng/mL/h (< 0,5 mcg/L/h) et l'aldostérone soit > 12 à 15 ng/dL (333 à 416 pmol/L).

Bilan de la fonction rénale

La fonction rénale est évaluée en utilisant les valeurs calculées à partir des formules basées sur les résultats des examens sanguins et urinaires.

Taux de filtration glomérulaire

Le taux de filtration glomérulaire, le volume de sang filtré par les reins par minute, est la meilleure mesure globale de la fonction rénale; il est exprimé en mL/min. Le taux de filtration glomérulaire normal augmentant avec la taille du corps, un facteur de correction par rapport à la surface corporelle est généralement appliqué. Cette correction est nécessaire pour comparer les taux de filtration glomérulaire d'un patient à la normale et de définir les différentes étapes de la maladie rénale chronique. En considérant la surface corporelle moyenne normale de 1,73 m2, le facteur de correction est de 1,73/surface corporelle du patient; les résultats ajustés du taux de filtration glomérulaire sont ensuite exprimés en mL/min/1,73 m2.

Le taux de filtration glomérulaire normal chez les jeunes adultes en bonne santé est d'environ 120 à 130 mL/min/1,73 m2 et diminue avec l'âge à environ 75 mL/min/1,73 m2 à l'âge de 70 ans. Une maladie rénale chronique est définie par un taux de filtration glomérulaire < 60 mL/min/1,73 m2 pendant > 3 mois. L'examen de référence pour la mesure du taux de filtration glomérulaire est la clairance de l'inuline. L'inuline n'est ni absorbée, ni sécrétée par le tubule rénal et c'est donc le marqueur idéal pour l'évaluation de la fonction rénale. Cependant, sa mesure est difficile et est, donc, surtout utilisée en recherche. Le taux de filtration glomérulaire est estimé plus précisément en combinant les équations CKD-EPI basées sur la créatinine et la cystatine C, que par des équations qui utilisent la créatinine ou la cystatine C seule (1).

Clairance de la créatinine

La créatinine est produite à un taux constant par le métabolisme musculaire et est librement filtrée par les glomérules et est également sécrétée par les tubules rénaux. La créatinine étant sécrétée, la clairance de la créatinine (CrCl) surestime le taux de filtration glomérulaire d’environ 10 à 20% en cas de fonction rénale normale et jusqu’à 50% en cas d’insuffisance rénale avancée; ainsi, la mesure de la CrCl pour estimer le taux de filtration glomérulaire en cas de maladie rénale chronique est déconseillée.

Par une collecte de l'urine sur une période définie (habituellement sur 24 heures), la CrCl peut être calculée par

equation

où UCr est la créatinine urinaire en mg/mL, UVol est le volume d'urine en mL/min de recueil (1440 min pour un recueil complet sur 24 heures), et PCr est la créatinine plasmatique en mg/mL.

Estimer la clairance de la créatinine

Comme la créatininémie par elle-même est insuffisante pour évaluer la fonction rénale, plusieurs formules ont été conçues pour évaluer la CrCl en utilisant la créatininémie et d'autres facteurs.

La formule de Cockcroft-Gault peut être utilisée pour estimer la CrCl. Elle prend en compte l'âge, le poids corporel maigre, et le taux de créatinine sérique. Elle est basée sur le fait que la production quotidienne de la créatinine est de 28 mg/kg/jour avec une baisse de 0,2 mg/an d'âge.

equation

La Modification of diet in renal disease (MDRD) study formula (formule de modification du régime alimentaire dans la maladie rénale) (la formule actuelle a 4 facteurs) peut également être utilisée, bien qu'elle nécessite une calculatrice ou un ordinateur:

equation

La formule de la Chronic Kidney Disease Epidemiology Collaboration (CKD-EPI) a une sensibilité plus faible, mais a une plus grande spécificité de détection d'un taux de filtration glomérulaire inférieur à 60 mL/min pour 1,73 m2, et peut-être plus utile dans l'évaluation des patients qui ont une fonction rénale normale ou quasi-normale. Comme la formule de Cockcroft-Gault et les équations MDRD, elle est également basée sur le taux de la créatinine sérique. L'estimation du taux de filtration glomérulaire en utilisant l'équation de la créatinine 2021 CKD-EPI sans la race est maintenant recommandée (2, 3).

equation

où SCr est la créatinine sérique en mg/dL, kappa (κ) est de 0,7 chez les femmes et de 0,9 chez les hommes, alpha est de -0,241 chez les femmes et de -0,302 chez les hommes, min indique le minimum de SCr/k ou 1, et max indique le maximum de SCr/κ ou 1.

Une calculatrice est disponible à la National Kidney Foundation.

Références pour l'évaluation

  1. 1. Inker LA, Schmid CH, Tighiouart H, et al: Estimating glomerular filtration rate from serum creatinine and cystatin C. N Engl J Med 5;367(1):20-29, 2012. doi:10.1056/NEJMoa1114248

  2. 2. Delgado C, Bawega M, Burrows NR, et al: Reassessing the inclusion of race in diagnosing kidney diseases: An interim report from the NKF-ASN task force. Am J Kidney Dis 78(1):103-115, 2021. doi: 10.1053/j.ajkd.2021.03.008

  3. 3. Delgado C, Bawega M, Crews DC, et al: A unifying approach for CFR estimation: Recommendations of the NKF-ASN Task Force on reassessing the inclusion of race in diagnosis kidney disease. Am J Kidney Dis 79(2):268-288.e1, 2022. doi: 10.1053/j.ajkd.2021.08.003

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