Perte brutale de la vision

ParChristopher J. Brady, MD, Wilmer Eye Institute, Retina Division, Johns Hopkins University School of Medicine
Vérifié/Révisé déc. 2023
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La perte visuelle est habituellement considérée comme brutale si elle se produit en quelques minutes à 48 heures. Elle peut affecter un seul ou les deux yeux ainsi qu'une partie ou la totalité du champ visuel. Les patients qui présentent de petites anomalies du champ visuel (p. ex., causées par un petit décollement de la rétine) peuvent décrire leurs symptômes comme une vision trouble.

Physiopathologie de la perte de vision aiguë

La perte de vision brutale a 3 causes générales:

  • Une opacification des structures normalement transparentes que les rayons lumineux traversent pour atteindre la rétine (p. ex., cornée, vitré)

  • Des anomalies rétiniennes

  • Des troubles affectant le nerf optique ou les voies visuelles

Étiologie de la perte de vision aiguë

Les causes les plus fréquentes de perte brutale de la vision sont les suivantes

En outre, la prise de conscience soudaine de la perte visuelle (perte visuelle faussement brutale) peut se manifester initialement comme une installation brutale. Par exemple, un patient qui présente une réduction visuelle de longue date dans un œil (probablement causée par une cataracte épaisse) prend soudainement conscience de la réduction visuelle dans l'œil atteint lorsqu'il cache l'œil normal.

La présence ou l'absence de douleur permet de catégoriser la perte de vision (voir tableau Certaines causes de perte brutale de la vision).

La plupart des troubles qui entraînent la perte totale de la vision quand ils affectent l'œil entier peuvent n'affecter qu'une partie de l'œil et ne provoquer qu'une anomalie du champ visuel (p. ex., l'occlusion d'une branche de l'artère ou de la veine centrale de la rétine, un décollement localisé de la rétine).

Les causes moins fréquentes de baisse brutale de vision comprennent

  • L'uvéite antérieure (affection fréquente, mais qui provoque habituellement des douleurs oculaires suffisamment importantes pour déclencher un bilan avant la perte de la vision)

  • Rétinite agressive

  • Certains toxiques ou médicaments (p. ex., méthanol, salicylates, des alcaloïdes, quinine)

Tableau

Évaluation de la perte de vision aiguë

Anamnèse

L'anamnèse de la maladie actuelle doit décrire la perte de vision en termes d'apparition, durée, progression et localisation (si elle est monoculaire ou binoculaire et si elle implique la totalité du champ visuel ou une partie spécifique et laquelle). Les symptômes visuels importants associés comprennent les corps flottants, des éclairs, des halos autour des lumières, des anomalies de la vision des couleurs et une vision déchiquetée ou en mosaïque (scotome scintillant). Il faut demander au patient s'il ressent une douleur oculaire et si elle est constante ou ne survient qu'aux mouvements des globes.

La revue des systèmes doit rechercher les symptômes extra-oculaires de causes possibles de baisse de vision, telles que la claudication de la mâchoire ou de la langue, des céphalées temporales, des douleurs musculaires et une raideur proximale (artérite à cellules géantes); et des hémicrânies (migraines ophtalmiques).

La recherche des antécédents médicaux doit porter sur des facteurs de risque connus de troubles oculaires (p. ex., le port de lentilles de contact, une myopie sévère, une chirurgie, une injection, ou une blessure oculaires récentes), les facteurs de risque de maladies vasculaires (p. ex., diabète, HTA) et de troubles hématologiques (p. ex., drépanocytose ou maladies telles que la macroglobulinémie de Waldenström ou le myélome multiple qui pourraient provoquer un syndrome d'hyperviscosité).

Il faut rechercher d'éventuels antécédents familiaux de céphalées migraineuses.

Examen clinique

Les signes vitaux, dont la température, sont mesurés.

Si le diagnostic d'un accident ischémique transitoire ou d'un accident vasculaire cérébral (c'est-à-dire, occlusion de l'artère centrale de la rétine) se présentant comme une amaurose fugace est envisagé, un examen neurologique complet est effectué. Les tempes sont palpées à la recherche du pouls, d'une sensibilité ou de nodosités sur le trajet de l'artère temporale. Cependant, la plus grande part de l'examen se concentre sur l'œil.

L'examen clinique des yeux comprend les éléments suivants:

  • L'acuité visuelle est mesurée.

  • Les champs visuels périphériques sont évalués par comparaison.

  • Les champs visuels centraux sont évalués à l'aide de la grille d'Amsler.

  • Les réflexes pupillaires direct et consensuel à la lumière sont examinés en utilisant le test de l'éclairement alterné à la lampe stylo.

  • La motricité oculaire est évaluée.

  • La vision des couleurs est testée avec des plaques de couleur.

  • Les paupières, la sclère et la conjonctive sont examinées en utilisant une lampe à fente si possible.

  • La cornée est examinée avec la coloration à la fluorescéine.

  • La chambre antérieure est examinée à la recherche de cellules et du signe de Tyndall en cas de douleurs oculaires ou d'œil rouge.

  • Le cristallin est vérifié à la recherche d'une cataracte en utilisant l'ophtalmoscope direct et/ou la lampe à fente.

  • La pression intraoculaire est mesurée.

  • Le fond de l'œil est examiné, de préférence après dilatation de la pupille par une goutte d'un sympathomimétique (p. ex., phényléphrine à 2,5%), et/ou d'un cycloplégique (p. ex., cyclopentolate à 1% ou tropicamide à 1%); la dilatation est presque complète en environ 20 min. La totalité du fond d'œil est examinée dont la rétine, la macula, la fovéa, les vaisseaux, la papille et ses bords.

  • Si les réflexes pupillaires sont normaux et si une baisse de la vision non organique est suspectée (rarement), on peut vérifier la présence du nystagmus optocinétique. Si on ne dispose pas d'un tambour optocinétique, on peut tenir un miroir près de l'œil du patient et le bouger lentement. Si le patient peut voir, les yeux suivent habituellement les mouvements du miroir (on considère qu'on est en présence d'un nystagmus optocinétique).

Signes d'alarme

Une baisse brutale de la vision est en elle-même un signe d'alarme; la plupart de ses causes sont graves.

Interprétation des signes

Le diagnostic de perte de la vision aiguë peut commencer systématiquement. Des profils spécifiques d'atteinte du champ visuel peuvent orienter vers une cause. D'autres signes cliniques peuvent également suggérer une cause à la perte de vision aiguë:

  • Une difficulté à voir le reflet rouge de la pupille à l'ophtalmoscope suggère une opacification des milieux transparents (p. ex., provoquée par un ulcère cornéen, une hémorragie du vitré ou une endophtalmie grave).

  • Les lésions rétiniennes qui sont assez graves pour provoquer une perte brutale de la vision sont détectables à l'examen du fond de l'œil, en particulier si les pupilles sont dilatées. Un décollement de la rétine peut apparaître comme un parachute gonflé et pâle; une occlusion veineuse rétinienne peut montrer des hémorragies rétiniennes caractéristiques; et l'occlusion artérielle rétinienne peut montrer la rétine pâle avec une fovéa rouge cerise.

  • Un déficit de l'afférent pupillaire (absence de réponse pupillaire à la lumière directe mais réponse normale consensuelle) avec un examen par ailleurs normal (à l'exception parfois d'une papille optique anormale) suggère une anomalie du nerf optique ou de la rétine (c'est-à-dire, antérieure au chiasma optique).

En outre, les faits suivants peuvent orienter:

  • Les symptômes monoculaires suggèrent une lésion en avant du chiasma optique.

  • Des anomalies bilatérales et symétriques (homonymes) du champ visuel suggèrent une lésion située derrière le chiasma.

  • Une douleur oculaire constante suggère une lésion cornéenne (ulcère ou érosion), une inflammation de la chambre antérieure ou une augmentation de la pression intraoculaire alors qu'une douleur liée aux mouvements du globe suggère une névrite optique.

  • Des céphalées temporales suggèrent une artérite à cellules géantes ou une migraine.

Examens complémentaires

Une vitesse de sédimentation érythrocytaire, un dosage de la C-reactive protein, et une mesure du nombre de plaquettes sont pratiqués chez tous les patients symptomatiques (p. ex., céphalée temporale, claudication de la mâchoire, myalgies proximales, raideur) ou des signes cliniques (p. ex., douleur ou induration de l'artère temporale, rétine pâle, œdème papillaire) suggérant une ischémie du nerf optique ou de la rétine pour exclure une artérite à cellules géantes.

D'autres tests sont listés dans le tableau Certaines causes de perte brutale de la vision. Ceux qui suivent sont de particulière importance:

  • Une échographie est réalisée pour évaluer la rétine lorsqu'elle est mal visible à l'examen du fond d'œil après dilatation pupillaire et ophtalmoscopie indirecte effectuée par un ophtalmologiste.

  • Une IRM du cerveau et des orbites rehaussée au gadolinium est réalisée en cas de douleurs oculaires lors des mouvements des globes ou de déficit de l'afférent pupillaire, particulièrement s'il existe un œdème papillaire au fond d'œil, pour rechercher une sclérose en plaques.

Traitement de la perte de vision aiguë

Si une étiologie est retrouvée, celle-ci est traitée. Le traitement doit habituellement être entrepris en urgence si la cause est traitable. Dans de nombreux cas (p. ex., occlusions artérielles), il n'y a pas de traitement qui puisse sauver l'œil atteint mais il peut réduire le risque de survenue du même processus dans l'œil controlatéral ou d'une complication causée par le même processus (p. ex., un accident vasculaire cérébral ischémique).

Points clés

  • Le diagnostic et le traitement doivent être effectués aussi rapidement que possible.

  • Adressage immédiat vers un centre spécialisé en accidents vasculaires cérébraux si un événement embolique aigu est suspecté (p. ex., amaurose fugace, occlusion de l'artère rétinienne, accident vasculaire cérébral ischémique).

  • Une perte brutale de la vision unilatérale avec un déficit de l'afférent pupillaire indique une lésion de l'œil ou du nerf optique antérieure au chiasma optique.

  • Une lésion du nerf optique, notamment ischémique, est évoquée en cas de perte de vision monoculaire ou de déficit de l'afférent pupillaire sans douleur oculaire, et en présence ou non d'anomalies de la papille au fond d'œil, mais pas d'autre lésion à l'examen de l'œil.

  • Un ulcère cornéen, un glaucome aigu par fermeture de l'angle, une endophtalmie ou une uvéite antérieure sévère sont évoqués en cas de perte visuelle brutale unilatérale aiguë, de douleurs oculaires et d'injection conjonctivale.

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