Revue générale des transplantations

ParMartin Hertl, MD, PhD, Rush University Medical Center
Vérifié/Révisé août 2022
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Les transplantations peuvent être

  • Le propre tissu du patient (autogreffes; p. ex., os, moelle osseuse et greffes de peau)

  • Le tissu d'un donneur génétiquement identique (syngénique [entre jumeaux monozygotes]) (isogreffe)

  • Le tissu d'un donneur génétiquement différent (allogreffes ou homogreffes)

  • Rarement, les greffes provenant d'une espèce différente (xénogreffes ou hétérogreffes)

Le tissu transplanté peut être

Les tissus peuvent être greffés au niveau du site anatomique normal (orthotopique; p. ex., transplantations cardiaques) ou en dehors du site normal (hétérotopique; p. ex., rein transplanté dans la fosse iliaque).

Presque toujours, la transplantation est effectuée pour remplacer ou restaurer la fonction d'un organe malade au stade final, rétablissant ainsi une fonction essentielle et améliorant ainsi la survie du patient. Cependant, certaines procédures (p. ex., transplantation de la main, du larynx, de la langue, de l'utérus et du visage) améliorent la qualité de vie mais pas la survie et elles sont source de risques importants liés à la chirurgie et à l'immunodépression. Certaines de ces procédures sont très spécialisées et rarement effectuées, mais ne sont plus considérées comme expérimentales.

La transplantation clinique utilise des allogreffes de donneurs qui sont

  • Vivants et apparentés au patient

  • Vivants et non apparentés au patient

  • Décédés

On fait souvent appel aux donneurs vivants pour les transplantations rénales, les greffes de cellules souches hématopoïétiques et moins fréquemment pour des transplantations segmentaires du foie, et rarement pour les greffes du pancréas et des poumons. L'utilisation d'organes provenant de donneurs décédés (à cœur battant ou non) a contribué à réduire l'écart entre la demande et l'offre d'organes; cependant, la demande est encore largement supérieure à l'offre et le nombre de patients en attente d'une greffe d'organe continue d'augmenter.

Certaines recherches sont en cours dans la transplantation d'organes non humains, tels que la transplantation cardiaque, rénale et hépatique. Malgré les progrès dans ce domaine, la mise en œuvre clinique est encore retardée, principalement en raison d'un rejet insurmontable, mais aussi en raison de différences fonctionnelles critiques entre les xénogreffes et les tissus humains.

Rejet du greffon et maladie du greffon contre l'hôte

Tous les receveurs d'allogreffe sont à risque de rejet de greffe; le système immunitaire du patient reconnaît le greffon comme étranger et tente de le détruire. Le patient qui bénéficie d'une greffe contenant des cellules immunitaires (en particulier la moelle osseuse, l'intestin et le foie) risque de développer ce que l'on appelle la maladie du greffon contre l'hôte, dans laquelle les cellules immunitaires du donneur attaquent les tissus du receveur. Le risque lié à cette complication est minimisé par un bilan prétransplantation et un traitement immunosuppresseur pendant et après la transplantation.

Attribution d'organes

Aux États-Unis, un système d'attribution des organes a été mis en œuvre pour le foie et d'autres organes. Dans ce système, les candidats à la transplantation reçoivent un organe en fonction de l'urgence médicale et de la distance entre l'hôpital du donneur et les hôpitaux de transplantation. Ce système remplace le système précédent qui reposait principalement sur les limites géographiques des zones de services de dons et des régions de transplantation. À présent, les foies et autres organes de tous les donneurs adultes décédés sont proposés en premier aux candidats à la transplantation compatibles qui ont les besoins les plus urgents (Statut 1A et 1B) et sont listés dans les hôpitaux de transplantation à moins de 926 km de l'hôpital du donneur. Après que des offres ont été faites aux candidats les plus urgents, les organes sont proposés aux candidats dans les hôpitaux situés à une distance de 277 km, 463 km et 926 km de l'hôpital du donneur. Dans l'allocation des reins, le temps d'attente reste un défi et, pour tous les organes, les organes pédiatriques sont principalement attribués aux candidats pédiatriques en premier.

Tests prétransplantation

Avant que les dépenses et les risques de la transplantation ne soient engagés et que les rares organes ne soient alloués, les médecins vérifient les facteurs médicaux et non médicaux qui peuvent affecter la probabilité de succès. Les donneurs subissent un dépistage médical, un dépistage psychologique et des examens de laboratoire, y compris des tests pour évaluer le risque d'infection.

Compatibilité tissulaire

Lors du bilan prétransplantation, les receveurs et les donneurs sont testés pour rechercher

Les receveurs sont testés pour rechercher

  • Une présensibilisation aux antigènes du donneur

Le typage tissulaire HLA est très important pour ce qui suit:

Les transplantations suivantes sont généralement pratiquées urgemment, souvent avant même que le typage tissulaire HLA n'ait été déterminé, le rôle de la compatibilité de ces organes est donc moins bien établi:

Le typage HLA des lymphocytes du sang périphérique ou des ganglions lymphatiques permet de déterminer la compatibilité des déterminants connus les plus importants du système d'histocompatibilité du donneur et du receveur. Plus de 1250 allèles déterminent 6 antigènes HLA (HLA-A, -B, -C, -DP, -DQ, -DR), obtenir une compatibilité est donc très difficile; p. ex., aux États-Unis, dans le cas de la transplantation rénale, seuls 2 sur 6 antigènes en moyenne correspondent entre ceux du donneur et ceux du receveur. Apparier le nombre le plus important possible d'antigènes HLA augmente significativement les chances de survie fonctionnelle des greffons de rein et des greffes de cellules souches hématopoïétiques provenant de donneurs vivants apparentés; la concordance HLA des greffons provenant de donneurs sans lien de parenté augmente également la survie, bien que plus faiblement du fait de nombreuses différences d'histocompatibilité non détectées. L'amélioration des traitements immunosuppresseurs a élargi les critères d'éligibilité des receveurs à une transplantation; la non-concordance HLA n'est pas un facteur d'exclusion systématique du patient à une transplantation car le traitement immunosuppresseur est devenu plus efficace.

La compatibilité ABO et la compatibilité HLA sont importantes pour la survie des greffons. Les incompatibilités ABO peuvent être à l'origine d'une réaction suraiguë de rejet de greffons vascularisés (p. ex., rein, cœur), qui ont des antigènes ABO à leurs surfaces. Une pré-immunisation aux antigènes HLA et ABO résulte de transfusions sanguines, de transplantations ou de grossesses antérieures et peut être détectée par la sérologie ou, plus fréquemment, grâce à un test lymphocytotoxique utilisant le sérum du receveur et les lymphocytes du donneur en présence du complément. Un résultat positif de compatibilité croisée (cross-match) indique que le sérum du receveur contient des anticorps dirigés contre le système ABO ou des antigènes HLA de classe I du donneur; il s'agit d'une contre-indication absolue à la transplantation, sauf peut-être chez les nourrissons (jusqu'à l'âge de 14 mois) qui n'ont pas encore produit d'isohémaglutinines.

De fortes doses d'IgIV et des échanges plasmatiques ont été utilisés pour supprimer les anticorps anti-HLA et faciliter la transplantation lorsqu'aucun greffon plus compatible n'est disponible. Les coûts sont élevés, mais les résultats de mi-parcours sont encourageants et semblent similaires à ceux des patients non sensibilisés.

Même un cross-match négatif ne garantit pas la sécurité; lorsque les antigènes ABO sont compatibles, mais non identiques (p. ex., donneur O et receveur A, B ou AB), l'hémolyse est une complication potentielle due à la production d'anticorps par les lymphocytes du donneur transplantés (passager).

Bien que la correspondance des HLA et ABO améliore généralement les chances de survie des greffons, les patients qui ne sont pas de race blanche sont désavantagés, car

  • Le don d'organes est moins fréquent chez les sujets qui ne sont pas de race blanche et, par conséquent, le nombre de donneurs potentiels qui ne sont pas de race blanche est limité.

  • L'insuffisance rénale chronique terminale est plus fréquente chez les sujets à la peau noire, le besoin en organes est donc plus grand.

  • Les patients qui ne sont pas blancs peuvent avoir des polymorphismes HLA différents de ceux des donneurs blancs, et ils ont une incidence plus élevée de présensibilisation aux antigènes HLA et aux groupes sanguins O et B.

Infection

L'exposition du donneur et du receveur à des pathogènes infectieux et les infections actives et latentes doivent être détectées avant la transplantation afin de minimiser le risque de transmission de l'infection chez le donneur et le risque d'aggravation ou de réactivation de l'infection existante chez le receveur (par l'utilisation d'immunosuppresseurs).

Ce dépistage comprend habituellement l'anamnèse et les tests pour les agents suivants

  • Cytomégalovirus (CMV)

  • Virus Epstein-Barr

  • Virus de l'hépatite B

  • Virus de l'hépatite C

  • Virus herpes simplex (HSV)

  • VIH

  • Mycobacterium tuberculosis

  • Virus varicelle-zona

  • Virus West Nile, si une exposition est suspectée

Les résultats positifs peuvent nécessiter un traitement antiviral pré ou post-transplantation (p. ex., pour une infection à CMV ou une hépatite B ou une hépatite C) ou un traitement antituberculeux ou, en cas d'infection active, contre-indiquer la transplantation jusqu'à ce que l'infection soit contrôlée (p. ex., si un VIH avec SIDA est détecté).

Contre-indications du receveur à la transplantation

Les contre-indications absolues à la transplantation comprennent les suivantes:

  • Infection cliniquement active, sauf éventuellement une infection du receveur si elle est confinée à l'organe remplacé (p. ex., abcès du foie)

  • Cancer (sauf le carcinome hépatocellulaire limité au foie, les cancers de la peau non mélaniques et certaines tumeurs neuroendocrines)

  • Un cross-match positif identifié par des tests lymphocytotoxiques

Les contre-indications relatives comprennent les suivantes:

  • Âge > 70 ans

  • Un état fonctionnel ou nutritionnel médiocre (dont l'obésité sévère)

  • Infection par le VIH

  • Insuffisance multiviscérale

Les facteurs psychologiques et sociaux jouent également un rôle important dans la réussite de la transplantation. Par exemple, les personnes qui prennent des drogues ou qui sont psychologiquement instables sont moins susceptibles d'adhérer fermement à la posologie nécessaire tout au long des traitements et des consultations de suivi.

Les décisions portées sur l'éligibilité du patient présentant des contre-indications relatives diffèrent selon le centre médical. L'infection par le VIH n'est plus considérée comme une contre-indication absolue car les antiviraux et les immunosuppresseurs sont généralement bien tolérés et efficaces chez les receveurs de greffe qui en ont besoin.

Immunosuppression post-transplantation

Les médicaments immunosuppresseurs contrôlent le rejet de greffe et sont en grande partie responsables du succès actuel des transplantations (voir tableau Immunosuppresseurs utilisés pour traiter le rejet de greffe). Cependant, ils suppriment toutes les réponses immunitaires et contribuent à de nombreuses complications post-transplantation, dont le développement du cancer, l'aggravation rapide de la maladie cardiovasculaire et même le décès dû à des infections réfractaires à tout traitement.

Les immunosuppresseurs doivent habituellement être maintenus longtemps après la transplantation, mais les doses initialement élevées peuvent être réduites quelques semaines après la procédure et des doses faibles peuvent être poursuivies à vie, sauf en cas de rejet. La poursuite de la réduction des doses d'immunosuppresseurs longtemps après la transplantation et des protocoles d'induction d'une tolérance de l'organe du donneur sont à l'étude.

Corticostéroïdes

Une forte dose de corticostéroïdes est habituellement administrée au moment de la greffe, la dose est ensuite progressivement réduite jusqu'à la dose d'entretien, maintenue indéfiniment. Plusieurs mois après la transplantation, les corticostéroïdes peuvent être administrés 1 jour/2; ce protocole permet de réduire le risque de retard de croissance chez l'enfant. En cas de rejet, de fortes doses sont réintroduites.

Les protocoles thérapeutiques qui réduisent le besoin en corticostéroïdes (schémas épargneurs de stéroïdes) sont utilisés dans certains centres et sont en cours de perfectionnement. Deux exemples comprennent l'utilisation du mycophénolate et les inhibiteurs de mTOR en association avec des inhibiteurs de la calcineurine ou du belatacept.

Inhibiteurs de la calcineurine

Ces médicaments (cyclosporine, tacrolimus) bloquent le processus de transcription des lymphocytes T nécessaire à la production de cytokines, inhibant ainsi sélectivement la prolifération et l'activation des lymphocytes T.

La cyclosporine est le médicament le plus souvent utilisé dans le cadre des transplantations cardiaques et pulmonaires. Elle peut être administrée seule, mais elle est habituellement administrée avec d'autres médicaments (p. ex., azathioprine, prednisone), de sorte que des doses plus faibles, moins toxiques, puissent être utilisées. La dose initiale est réduite à une dose d'entretien peu après la transplantation. Le médicament est métabolisé par l'enzyme du cytochrome P-450 3A et les taux sanguins sont affectés par beaucoup d'autres médicaments.

L'effet indésirable dose-dépendant le plus grave de la cyclosporine est la néphrotoxicité; la cyclosporine entraîne une vasoconstriction des artérioles afférentes (préglomérulaires), aboutissant à une lésion glomérulaire, à une hypoperfusion glomérulaire réfractaire et éventuellement à une insuffisance rénale chronique. De plus, les lymphomes B et les lymphoproliférations polyclonales des lymphocytes B surviennent plus fréquemment chez le patient traité par de fortes doses de cyclosporine ou des associations comprenant de la cyclosporine et d'autres immunosuppresseurs dirigés contre les lymphocytes T, probablement du fait d'une association à une infection à Epstein-Barr virus. D'autres effets indésirables comprennent le diabète, une hépatotoxicité, la goutte tophacée, une HTA réfractaire, une neurotoxicité (dont un tremblement), une incidence accrue d'autres tumeurs et des effets moins graves (p. ex., hypertrophie gingivale, hirsutisme, hypertrichose). Les taux sériques de cyclosporine ne sont pas étroitement corrélés avec son efficacité ou sa toxicité.

Le tacrolimus est le médicament le plus souvent utilisé dans les greffes rénales, hépatiques, pancréatiques et intestinales. Le traitement par tacrolimus peut être débuté au cours de la transplantation ou quelques jours après l'opération. Les doses doivent être guidées par les taux sanguins, lesquels sont influencés par les interactions médicamenteuses qui sont celles que l'on connaît pour la cyclosporine. Le tacrolimus peut être utile lorsque la cyclosporine est inefficace ou entraîne des effets indésirables intolérables.

Les effets indésirables du tacrolimus sont semblables à ceux de la cyclosporine, mais le tacrolimus est plus diabétogène; l'hypertrophie des gencives et l'hirsutisme sont moins fréquents. Chez les patients recevant du tacrolimus, des troubles lymphoprolifératifs semblent se produire plus souvent, même quelques semaines après la transplantation, et peuvent se résoudre partiellement ou complètement lorsque le médicament est arrêté. En cas de syndrome lymphoprolifératif, le tacrolimus doit être interrompu et un autre médicament immunosuppresseur doit lui être substitué.

Inhibiteurs du métabolisme des purines

Ces médicaments (azathioprine, mycophénolate) inhibent la prolifération des cellules, en particulier des leucocytes.

Le traitement par azathioprine, un antimétabolite, est habituellement débuté au moment de la transplantation. La majorité des patients le supporte bien indéfiniment. Les effets indésirables les plus graves sont la dépression de la moelle osseuse, en particulier en cas de déficit en thiopurine S-méthyltransférase (TPMT) et, rarement, d'hépatite ou de maladie veino-occlusive hépatique. Des réactions d'hypersensibilité systémique se produisent chez > 5% des patients. L'azathioprine est souvent utilisée en association avec de faibles doses d'inhibiteurs de la calcineurine.

Le mycophénolate, une prodrogue métabolisée en acide mycophénolique, inhibe réversiblement l'inosine monophosphate déshydrogénase, une enzyme de la voie du catabolisme de la guanine qui limite le taux de prolifération des lymphocytes. Le mycophénolate est administré en association avec la cyclosporine (ou le tacrolimus) et des corticostéroïdes dans la transplantation rénale, cardiaque ou hépatique. Les effets indésirables les plus fréquents sont une leucopénie, des nausées, des vomissements et une diarrhée. Il a remplacé l'azathioprine dans la plupart des applications de greffe.

Rapamycines

Ces médicaments (sirolimus, évérolimus) inhibent une kinase régulatrice qui joue un rôle clé dans la régulation de la différenciation lymphocytaire (mammalian target of rapamycin [mTOR]) et bloquent ainsi le cycle cellulaire et la réponse lymphocytaire à une stimulation induite par les cytokines.

Le sirolimus est généralement administré en association avec la cyclosporine et les corticostéroïdes. Il pourrait offrir un plus grand intérêt chez le patient présentant une insuffisance rénale. Les effets indésirables comprennent une hyperlipidémie, une pneumonie interstitielle, un œdème de la jambe, des troubles de la cicatrisation et une insuffisance médullaire avec leucopénie, une thrombopénie et une anémie.

L'évérolimus est utilisé pour prévenir le rejet de greffe rénale et hépatique. Les effets indésirables sont similaires à ceux du sirolimus.

Immunoglobulines immunosuppressives

Les exemples en sont

  • Globuline antilymphocytaire

  • Globuline antithymocytaire

Les deux sont des fractions d'antisérums animaux dirigés contre les cellules humaines:

  • Lymphocytes: globuline antilymphocytaire

  • Cellules thymiques: ATG

La globuline antilymphocytaire et la globuline antithymocytaire suppriment l'immunité cellulaire tout en préservant l'immunité humorale. Elles sont utilisées en association avec d'autres immunosuppresseurs afin que ces derniers puissent être prescrits à des doses plus faibles, moins toxiques. L'utilisation de la globuline antithymocytaire et antilymphocytaire pour contrôler les épisodes aigus de rejet améliore les taux de survie du greffon; l'utilisation au moment de la transplantation peut réduire l'incidence des rejets et permettre de débuter plus tardivement les inhibiteurs de la calcineurine, ce qui réduit leur toxicité.

L'utilisation de fractions de sérum très purifié a fortement réduit les risques d'effets indésirables (p. ex., anaphylaxie, maladie sérique, glomérulonéphrite induite par les complexes antigène–anticorps).

Anticorps monoclonaux (mAbs, monoclonal antibodies)

Les anticorps monoclonaux dirigés contre les lymphocytes T sont à l'origine d'une plus grande concentration d'anticorps antilymphocytes T et contiennent moins de protéines sériques étrangères que la globuline antilymphocytaire et la globuline antithymocytaire.

Les anticorps monoclonaux antirécepteurs de l'IL-2 inhibent la prolifération des lymphocytes T en bloquant les effets de l'IL-2, sécrétée par les lymphocytes T activés. Le basiliximab, un anticorps humanisé anti–récepteur de l'IL-2 et le seul anticorps anti-récepteur de l'IL-2 encore disponible, est utilisé pour traiter le rejet aigu des greffes de rein, de foie et de l'intestin grêle; il est également utilisé comme immunosuppresseur adjuvant au moment de la transplantation. Le seul effet indésirable signalé est l'anaphylaxie, mais un risque accru de syndromes lymphoprolifératifs ne peut être exclu.

Autres médicaments

Le belatacept, un autre anticorps qui inhibe les voies de costimulation des cellules T, peut être utilisé chez les receveurs de transplantation rénale. Cependant, l'incidence de la leucoencéphalopathie multifocale progressive, une maladie mortelle du système nerveux central, semble être augmenté, et l'incidence d'autres infections virales est également augmentée. Le trouble lymphoprolifératif post-transplantation constitue une autre préoccupation. Le bélatacept est utilisé chez les greffés rénaux qui présentent un risque accru de néphrotoxicité résultant de l'utilisation d'inhibiteurs de la calcineurine.

Irradiation

L'irradiation d'un greffon et/ou des tissus du receveur peut être utilisée pour traiter le rejet de greffe rénale lorsqu'un autre traitement (p. ex., corticostéroïdes et globuline antithymocytaire) se révèle inefficace. L'irradiation lymphatique totale semble supprimer sans risque l'immunité cellulaire, d'abord par stimulation des lymphocytes T suppresseurs et ensuite par une possible délétion clonale des cellules spécifiques réactives à l'antigènes. Cependant, les immunosuppresseurs sont à présent si efficaces que la nécessité d'une irradiation est extrêmement rare.

Thérapies d'avenir

Des protocoles et des agents thérapeutiques en mesure d'induire une tolérance antigénique spécifique vis-à-vis du greffon sans supprimer d'autres réponses immunitaires sont actuellement en développement. Deux stratégies sont prometteuses:

  • Le blocage des voies de costimulation lymphocytaire T via une protéine de fusion antigen 4-IgG1 associée aux lymphocytes cytotoxiques T (CTLA-4)

  • L'induction d'une chimère (coexistence de cellules immunitaires du donneur et du receveur, au sein de laquelle le greffon est reconnu comme élément du soi) via un traitement prétransplantation non myéloablatif (p. ex., par du cyclophosphamide, une irradiation thymique, de la globuline antithymocytaire et de la cyclosporine) visant à induire une perte transitoire des lymphocyte T, la prise de greffe de cellules souches hématopoïétiques du donneur, et, par voie de conséquence, une tolérance des greffons solides du même donneur (à l'étude)

Tableau

Complications post-transplantation

Les complications sont les suivantes:

  • Rejet

  • Infection

  • Insuffisance rénale

  • Cancer

  • Athérosclérose

Rejet

Le rejet d'organes (greffes solides) peut être hyperaigu, accéléré, aigu ou chronique (tardif). Ces catégories peuvent être distinguées histopathologiquement et, de façon approximative, par le moment de leur apparition. Les symptômes varient selon les organes (voir tableau Manifestations du rejet de greffe par catégorie).

Le rejet hyperaigu a les caractéristiques suivantes:

  • Survient dans les 48 heures suivant la transplantation

  • Est dû aux anticorps préexistants fixant le complément et se liant aux antigènes du greffon (pré-immunisation)

  • Est caractérisé par une thrombose des petits vaisseaux et un infarctus du greffon

Ce type de rejet est devenu rare (1%), car des progrès en matière de dépistage prétransplantation ont été réalisés. Aucun traitement n'est efficace, exception faite de l'ablation du greffon.

Le rejet accéléré a les caractéristiques suivantes:

  • Il se produit plus tard, environ 3 à 5 jours après la transplantation

  • Il est dû aux anticorps préexistants ne fixant pas le complément mais se liant aux antigènes du greffon

  • Il est caractérisé histopathologiquement par un infiltrat cellulaire avec ou sans modification vasculaire

Le rejet accéléré est également rare. Le traitement repose sur les corticostéroïdes à doses élevées administrés en bolus ou, en cas de modifications vasculaires, de sérums antilymphocytaires. Les échanges plasmatiques, qui peuvent éliminer les anticorps circulants plus rapidement, ont été utilisés avec un certain succès.

Le rejet aigu correspond à la destruction du greffon après une transplantation et présente les caractéristiques suivantes:

  • Il survient environ 5 jours après la transplantation et contrairement au rejet hyperaigu et accéléré, le rejet aigu est médié par une réponse anti-greffon de novo des cellules T, et non par des anticorps préexistants

  • Est provoqué par une réaction d'hypersensibilité retardée aux antigènes g d'histocompatibilité de l'allogreffe médiée par les lymphocytes T

  • Il se caractérise par une infiltration cellulaire mononucléaire avec des degrés d'hémorragie, d'œdème et de nécrose variables, mais généralement l'intégrité vasculaire est conservée (bien que l'endothélium vasculaire semble être une cible primaire)

Le rejet aigu est responsable d'environ la moitié de tous les rejets observés dans les 10 ans qui suivent la greffe. Le rejet aigu est souvent maîtrisé en intensifiant le traitement immunosuppresseur (p. ex., par des corticostéroïdes en bolus et/ou des globulines antilymphocytaires). Après blocage du rejet, les parties du greffon fortement lésées guérissent par fibrose, le reste du greffon fonctionne normalement, les doses d'immunosuppresseurs peuvent être réduites à des niveaux très bas et l'allogreffe peut survivre sur une longue période.

Le rejet chronique correspond à une perte progressive des fonctions du greffon, souvent sans fièvre. Il présente les caractéristiques suivantes:

  • Survient généralement quelques mois ou quelques années après la transplantation, mais parfois après quelques semaines

  • A des causes multiples dont le rejet précoce ou tardif du greffon médié par des anticorps, l'ischémie péri-chirurgicale et les lésions induites par la reperfusion de l'organe, la toxicité médicamenteuse, l'infection et des facteurs vasculaires (p. ex., HTA, hyperlipidémie).

  • Est caractérisé anatomopathologiquement par une prolifération du néo-intima composée de cellules musculaires lisses et d'une matrice extracellulaire (athérosclérose liée à la transplantation) qui obture progressivement la lumière du vaisseau, en induisant une ischémie transitoire et une fibrose du greffon (chez les greffés du foie, la rareté des voies biliaires peut être la principale caractéristique pathologique)

Le rejet chronique est responsable de la majeure partie de l'autre moitié des épisodes de rejet. Le rejet chronique progresse insidieusement malgré un traitement immunosuppresseur; pas de traitement reconnu. Il a été rapporté que le tacrolimus contrôlait le rejet chronique du foie chez quelques patients.

Tableau

Infection

Les patients transplantés deviennent vulnérables aux infections en raison de

  • Prise d'immunodépresseurs

  • Déficits immunitaires secondaires qui accompagnent l'insuffisance d'organe

  • Chirurgie

Dans de rares cas, un organe transplanté est lui-même à l'origine d'une infection (p. ex., cytomegalovirus [CMV]).

Le symptôme le plus fréquent est la fièvre, souvent sans signes d'appel. La fièvre peut également être un symptôme de rejet aigu, mais est habituellement accompagnée de signes de dysfonctionnement du greffon. Si ces signes sont absents, l'approche est similaire à celle des autres fièvres d'origine inconnue; les données temporelles concernant la symptomatologie après transplantation permettent de réduire les hypothèses du diagnostic différentiel.

Au cours du premier mois qui suit la transplantation, la plupart des infections sont causées par les mêmes bactéries et champignons que ceux qui infectent les autres patients opérés (p. ex., Pseudomonas spp responsables de pneumonies, bactéries Gram positives à l'origine d'infections des plaies). La principale préoccupation liée à l'infection précoce tient au fait que les agents pathogènes peuvent infecter le greffon ou sa vascularisation au niveau des sites suturés, en entraînant des anévrismes ou une déhiscence mycotique.

Des infections opportunistes sont observées 1 à 6 mois après la transplantation (pour le traitement, voir ailleurs dans LE MANUEL). Les infections peuvent être d'origine bactérienne (p. ex., listériose, nocardiose), virale (p. ex., dues au virus BK [un polyomavirus opportuniste fréquent chez les receveurs de greffe de rein], au CMV, à l'EBV [Epstein-Barr virus], au VZV [varicella-zoster virus], à l'hépatite B ou à l'hépatite C), fongique (p. ex., aspergillose, cryptococcose, infection à Pneumocystis jirovecii) ou parasitaire (p. ex., strongyloïdose, toxoplasmose, trypanosomiase, leishmaniose). Historiquement, beaucoup de ces infections ont été associées à l'utilisation de fortes doses de corticostéroïdes.

Le risque d'infection s'inverse (devenant identique à celui encouru à l'état initial) chez près de 80% des patients après 6 mois. Environ 10% des patients développent des complications infectieuses précoces, telles qu'une infection virale affectant le greffon, une infection métastatique (p. ex., rétinite à CMV, colite) ou des cancers induits par des virus (p. ex., hépatite et carcinome hépatocellulaire, papillomavirus humain et épithélioma basocellulaire consécutif). D'autres développent un rejet chronique, nécessitent de fortes doses d'immunosuppresseurs (5 à 10%) et conservent à vie un risque élevé d'infections opportunistes. Le risque d'infection varie en fonction de la greffe reçue et est inférieur chez les bénéficiaires d'allogreffes rénale et plus élevé chez les bénéficiaires de greffes hépatiques et pulmonaires.

Après transplantation, des antimicrobiens sont administrés à la plupart des patients pour minimiser le risque d'infection. Le choix du médicament repose sur les risques individuels et le type de transplantation; les protocoles comprennent le triméthoprime/sulfaméthoxazole 80/400 mg par voie orale 1 fois/jour pendant 4 à 12 mois pour prévenir les infections à P. jirovecii ou éviter les infections du tractus urinaire chez les greffés rénaux. Le patient neutropénique se voit parfois administrer des antibiotiques de type quinolones (p. ex., lévofloxacine 500 mg par voie orale ou IV 1 fois/jour) pour prévenir toute infection à microrganisme Gram négatif. Souvent, les patients sont traités à titre prophylactique par du ganciclovir ou de l'acyclovir parce que le CMV et d'autres infections virales se produisent plus fréquemment au cours des premiers mois après la transplantation, lorsque des doses d'immunosuppresseurs sont les plus élevées. Les doses administrées dépendent de la fonction rénale du patient.

Les vaccins inactivés peuvent être administrés en toute sécurité après la transplantation. Les risques liés aux vaccins vivants atténués sont à évaluer en fonction de leurs avantages potentiels parce qu'une infection cliniquement évidente et l'exacerbation d'un rejet sont possibles chez les patients immunodéprimés, même si les taux d'immunosuppresseurs sanguins sont bas.

Troubles rénaux

Le taux de filtration glomérulaire diminue de 30 à 50% au cours des 6 premiers mois qui suivent une transplantation d'organe chez 15 à 20% des patients. Ces patients développent habituellement aussi une HTA. Le risque est le plus élevé pour le receveur de transplantation intestinale (21%) car des taux sanguins élevés d'immunosuppresseurs (généralement des inhibiteurs de la calcineurine) sont nécessaires pour que le greffon ne soit pas rejeté. L'incidence est moins élevée en cas de transplantation cœur-poumon (7%). Les effets néphrotoxiques et diabétogènes des inhibiteurs de la calcineurine jouent un rôle majeur, mais les lésions rénales observées au cours de la période périchirurgicale, l'insuffisance rénale préexistante à la transplantation et l'utilisation d'autres médicaments néphrotoxiques participent également aux troubles rénaux.

Après une baisse initiale, le taux de filtration glomérulaire se stabilise ou diminue en général plus lentement; néanmoins, le risque de mortalité est multiplié par quatre chez le patient présentant une maladie rénale au stade terminal, nécessitant une dialyse à moins qu'une transplantation rénale ne soit effectuée. L'insuffisance rénale observée après transplantation peut être évitée par un sevrage précoce des inhibiteurs de la calcineurine, mais la posologie minimale tolérable n'a pas été déterminée.

Cancer

L'immunodéficience à long terme augmente le risque de cancers induits par des virus, en particulier l'épithélioma spino- et basocellulaire, le syndrome lymphoprolifératif (principalement lymphome non hodgkinien à lymphocyte B), le cancer anogénital (dont le cancer du col de l'utérus), le cancer oropharyngé et le sarcome de Kaposi.

Le traitement est similaire à celui du cancer chez les patients non immunodéprimés; la réduction ou l'interruption de l'immunosuppression n'est généralement pas nécessaire pour les tumeurs de bas grade mais est recommandée pour des tumeurs et les lymphomes plus agressifs. En particulier, les antagonistes du métabolisme de la purine (azathioprine, mycophénolate) seront arrêtés, et le tacrolimus est interrompu si un syndrome lymphoprolifératif se développe.

Autres complications

Une ostéoporose peut se développer chez les patients qui étaient à risque d'ostéoporose avant la transplantation (p. ex., en raison d'une activité physique réduite, d'une consommation de tabac et/ou d'alcool ou d'un trouble rénal préexistant) parce que les immunosuppresseurs (en particulier les corticostéroïdes et les inhibiteurs de la calcineurine) augmentent la résorption osseuse. Bien qu'elle ne soit pas systématique, l'utilisation de la vitamine D, de bisphosphonates ou d'autres médicaments antirésorptifs après transplantation peut jouer un rôle dans la prévention.

Le retard de croissance, principalement lié à la prise chronique de corticostéroïdes, est un problème chez l'enfant. Le retard de croissance peut être minimisé en diminuant progressivement la dose de corticostéroïdes jusqu'à la posologie anti-rejet minimale efficace.

L'athérosclérose peut résulter de l'hyperlipidémie induite par les inhibiteurs de la calcineurine, les rapamycines (sirolimus, évérolimus) ou les corticostéroïdes; elle se produit généralement chez les receveurs de greffe de rein > 15 ans après la transplantation.

La maladie du greffon contre l'hôte (GVHD [graft-vs-host disease]) est observée en cas de réaction des lymphocytes T du donneur contre les auto-antigènes du receveur. La maladie du greffon contre l'hôte (GVHD [graft-vs-host disease]) touche principalement les receveurs de cellules-souches hématopoïétiques mais peut également affecter les receveurs de greffe de foie ou d'intestin grêle. Elle peut comprendre des lésions inflammatoires des tissus, en particulier du foie, de l'intestin et de la peau, ainsi qu'une dyscrasie sanguine.

La goutte peut être exacerbée en cas d'hyperuricémie préexistante et/ou d'antécédents de goutte, en particulier en cas de transplantation rénale ou cardiaque, et peut être exacerbée après la transplantation en raison d'interactions médicamenteuses. Le traitement agressif pré-opératoire des patients présentant un risque accru par des médicaments abaissant l'acide urique peut être utile en prévention.

Plus d'information

La source d'information suivante en anglais peut être utile. S'il vous plaît, notez que LE MANUEL n'est pas responsable du contenu de cette ressource.

  1. United Network for Organ Sharing: Transplant Trends. https://unos.org/data/transplant-trends/: fournit des conseils sur l'attribution des organes et des informations complètes sur la transplantation, y compris le nombre de transplantations

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