Néphropathie à immunoglobulines A

(Néphropathie à IgA)

ParFrank O'Brien, MD, Washington University in St. Louis
Reviewed ByNavin Jaipaul, MD, MHS, Loma Linda University School of Medicine
Vérifié/Révisé avr. 2025 | Modifié juil. 2025
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La néphropathie à immunoglobulines A (IgA) correspond à un dépôt de complexes immuns d'IgA dans les glomérules et se manifeste par une hématurie évoluant lentement, une protéinurie, et, souvent, une maladie rénale chronique. Le diagnostic repose sur une analyse d'urine et une biopsie rénale. Les options thérapeutiques comprennent les inhibiteurs de l'ECA, les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II, les corticostéroïdes et parfois d'autres immunosuppresseurs. Le pronostic est généralement bon.

(Voir aussi Revue générale des syndromes néphritiques.)

La néphropathie à IgA est un syndrome néphritique, une forme de glomérulonéphrite chronique caractérisée par le dépôt de complexes immuns d'IgA dans les glomérules. C'est la forme la plus fréquente de glomérulonéphrite au niveau mondial et elle est plus fréquente en Asie et dans certains pays européens qu'en Afrique et en Amérique du Sud (1). Elle survient à tous les âges, avec un pic d'apparition entre 20 et 30 ans, et touche généralement plus les hommes que les femmes, bien que la prévalence varie à travers le monde (2, 3). Un nombre important de personnes en bonne santé présentent des dépôts rénaux d'IgA, mais toutes les personnes ayant des dépôts d'IgA ne développent pas une maladie clinique.

La cause est inconnue, mais les données indiquent qu'il peut y avoir plusieurs mécanismes, dont les suivants:

  • Augmentation de la production d'IgA1

  • Glycolisation anormale de l'IgA1 entraînant une augmentation de la liaison aux cellules mésangiales

  • Diminution de la clairance de l'IgA1

  • Système immunitaire de la muqueuse défectueux

  • Surproduction de cytokines stimulant la prolifération des cellules mésangiales

Plusieurs cas dans une même famille ont également été observés, ce qui évoque des facteurs génétiques, du moins dans certains cas.

La fonction rénale est initialement normale, mais une néphropathie symptomatique peut se développer. Quelques patients ont à la présentation une lésion rénale aiguë ou chronique, une HTA ou un syndrome néphrotique.

Références générales

  1. 1. Schena FP, Nistor I. Epidemiology of IgA Nephropathy: A Global Perspective. Semin Nephrol 2018;38(5):435-442. doi:10.1016/j.semnephrol.2018.05.013

  2. 2. Goto K, Imaizumi T, Hamada R, et al. Renal pathology in adult and paediatric population of Japan: review of the Japan renal biopsy registry database from 2007 to 2017. J Nephrol 2023;36(8):2257-2267. doi:10.1007/s40620-023-01687-9

  3. 3. Lee M, Suzuki H, Nihei Y, Matsuzaki K, Suzuki Y. Ethnicity and IgA nephropathy: worldwide differences in epidemiology, timing of diagnosis, clinical manifestations, management and prognosis. Clin Kidney J 2023;16(Suppl 2):ii1-ii8. doi:10.1093/ckj/sfad199

Symptomatologie de la néphropathie à IgA

Les manifestations les plus fréquentes sont une hématurie macroscopique persistante ou récidivante ou une hématurie microscopique asymptomatique avec protéinurie modérée. Des douleurs de l'hypochondre et une fébricule peuvent accompagner les épisodes aigus. Les autres symptômes ne sont habituellement pas évidents.

L'hématurie macroscopique débute habituellement 1 ou 2 jours après un épisode infectieux fébrile (touchant les muqueuses des voies respiratoires supérieures, des sinus, de l'intestin), simulant ainsi une glomérulonéphrite post-infectieuse, avec cette différence cependant que l'hématurie apparaît plus tôt (au même moment ou immédiatement après l'épisode fébrile). Lorsqu'elle survient en même temps qu'une maladie des voies respiratoires supérieures, on parle parfois d'hématurie synpharyngitique.

La glomérulonéphrite rapidement progressive apparaît initialement chez environ 5% des patients (1).

Référence pour la symptomatologie

  1. 1. Shimizu A, Takei T, Moriyama T, Itabashi M, Uchida K, Nitta K. Clinical and pathological studies of IgA nephropathy presenting as a rapidly progressive form of glomerulonephritis. Intern Med 2013;52(22):2489-2494. doi:10.2169/internalmedicine.52.0420

Diagnostic de la néphropathie à IgA

  • Analyse d'urines

  • Biopsie rénale

Le diagnostic est indiqué devant l'un des signes suivants:

Lorsque les symptômes sont modérés ou sévères, le diagnostic est confirmé par la biopsie.

L'analyse d'urine révèle une hématurie microscopique, habituellement avec des globules rouges dysmorphiques et parfois des cylindres de globules rouges. Une légère protéinurie (< 1 g/jour) est caractéristique et peut survenir sans hématurie; un syndrome néphrotique se développe chez environ 10% (1). La créatininémie est le plus souvent normale.

L'examen en immunofluorescence directe de la biopsie rénale montre des dépôts granuleux d'IgA et de complément (C3) situés au niveau d'un mésangium plus volumineux que la normale, avec des foyers de lésions segmentaires prolifératives ou nécrotiques. Il est important de noter que les dépôts d'IgA mésangiaux ne sont pas spécifiques et surviennent également dans de nombreux autres troubles, dont la vascularite à immunoglobulines A, la cirrhose, une maladie intestinale inflammatoire, la maladie cœliaque, le psoriasis, l'infection à VIH, le cancer du poumon et plusieurs maladie rhumatologiques systémiques.

Le dépôt glomérulaire d'IgA est une caractéristique primaire de la vascularite à immunoglobulines A et les troubles peuvent être indiscernables d'une néphropathie à IgA sur la biopsie, ce qui conduit à l'hypothèse selon laquelle la vascularite à immunoglobulines A pourrait être une forme systémique de la néphropathie à IgA. Cependant, la vascularite à immunoglobulines A est une entité cliniquement distincte de la néphropathie à IgA, qui se manifeste habituellement par une hématurie, une éruption purpurique, des arthralgies et des douleurs abdominales.

D'autres tests immunologiques sériques sont habituellement inutiles. Les concentrations du complément sont le plus souvent normales. La concentration plasmatique en IgA peut être augmentée et des complexes circulants IgA-fibronectine sont présents; cependant, ces résultats n'aident pas à établir le diagnostic.

Référence pour le diagnostic

  1. 1. Kim JK, Kim JH, Lee SC, et al. Clinical features and outcomes of IgA nephropathy with nephrotic syndrome. Clin J Am Soc Nephrol 2012;7(3):427-436. doi:10.2215/CJN.04820511

Traitement de la néphropathie à IgA

  • Souvent, des inhibiteurs de l'ECA ou des antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II sont utilisés pour l'hypertension, si la créatinine sérique est > 1,2 mg/dL (106,08 micromol/L), ou en cas de macroalbuminurie (protéinurie urinaire > de 300 mg/jour) avec un objectif de protéinurie urinaire de < 500 mg/jour.

  • Un antagoniste double des récepteurs de l'endothéline et de l'angiotensine (p. ex. sparsentan) est indiqué chez les patients à risque de progression rapide de la maladie.

  • Un inhibiteur du sodium-glucose cotransporteur 2 (SGLT2) peut être ajouté en cas de protéinurie persistante malgré l'inhibition de l'angiotensine

  • Corticostéroïdes en cas de maladie progressive, incluant une augmentation de la protéinurie, en particulier dans la plage néphrotique ( 3 g/jour), et une augmentation du taux de créatinine sérique.

  • Les corticostéroïdes et le cyclophosphamide pour les lésions prolifératives ou la glomérulonéphrite rapidement progressive

  • Transplantation dans la maladie à un stade avancé

Les patients normotendus et dont la fonction rénale est intacte (créatininémie < 1,2 mg/dL [106,08 micromoles/L]) et qui ne présentent qu'une légère protéinurie (< 0,5 g/jour) ne doivent habituellement pas être traités au-delà de l'inhibition de l'angiotensine (avec un inhibiteur de l'ECA ou un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II) et d'un inhibiteur de SGLT2. Il convient habituellement de proposer aux patients qui présentent une maladie rénale plus grave ou une protéinurie et une hématurie plus graves, un traitement aux corticostéroïdes, qui doit idéalement être commencé avant qu'une maladie rénale importante se développe.

Inhibition de l'angiotensine dans la néphropathie à IgA

Les inhibiteurs de l'ECA ou les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II sont utilisés en vertu du principe qu'ils abaissent la PA, la protéinurie, et diminuent la fibrose glomérulaire. Le patient qui a un génotype DD pour le gène codant pour l'ECA est également exposé à un plus grand risque de progression de la maladie mais répond plus volontiers aux inhibiteurs de l'ECA et aux antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II. En cas d'HTA, les inhibiteurs de l'ECA ou les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II sont des antihypertenseurs de choix, même en cas de néphropathie chronique relativement légère.

Antagonistes doubles des récepteurs de l'endothéline

Le sparsentan, un antagoniste double des récepteurs de l'endothéline, est utilisé dans la prise en charge de la protéinurie chez les patients atteints de néphropathie à IgA présentant un risque de progression rapide de la maladie (défini par un rapport protéines/créatinine urinaire ≥ 1,5). Il ne doit pas être utilisé comme traitement initial, mais constitue plutôt le médicament de choix en cas d'échec d'un inhibiteur de l'ECA ou d'un ARA. L'inhibiteur de l'ECA ou l'ARA doit être arrêté avant de commencer un antagoniste double des récepteurs de l'endothéline (1).

Inhibiteurs du sodium-glucose co-transporter 2

Un inhibiteur de SGLT2 peut également être utilisé en cas de protéinurie secondaire à une néphropathie à IgA qui ne s'est pas améliorée sous l'effet des inhibiteurs de l'ECA ou les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II. Dans une analyse de sous-groupes prédéfinis de patients atteints de néphropathie à IgA, les inhibiteurs de SGLT2 (qui améliorent l'évolution en cas de protéinurie due à une néphropathie diabétique) ont réduit le risque de progression de la maladie rénale chronique (2).

Corticostéroïdes et immunosuppresseurs en cas de néphropathie à IgA

Chez les patients à haut risque de progression de la maladie (c'est-à-dire, protéinurie ≥ 1 g/jour, un débit de filtration glomérulaire estimé [eGFR] de 20 à 120 mL/min par 1,73 m2 après au moins 3 mois de traitement de support), il a été démontré que les corticostéroïdes ralentissent la progression vers l'insuffisance rénale (3). Des doses plus élevées de corticostéroïdes sont associées à des événements indésirables plus graves (p. ex., une infection nécessitant une hospitalisation).

Il n'y a pas de consensus parmi les experts concernant le protocole optimal des corticostéroïdes, si ce n'est qu'il doit durer au moins 6 mois (4).

En raison des risques d'effets indésirables, les corticostéroïdes doivent être réservés aux patients qui présentent l'un des signes suivants:

  • Protéinurie qui s'aggrave ou persistante (> 1 g/jour), surtout si elle est dans la gamme néphrotique malgré un traitement maximal par des inhibiteurs de l'ECA ou par un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II

  • Créatininémie qui s'élève

Des associations de corticostéroïdes IV et de cyclophosphamide plus de la prednisone orale sont utilisées en cas de maladie grave telle qu'une néphropathie (rapidement progressive) proliférative ou à croissants. Les preuves pour le mycophénolate mofétil sont contradictoires; il ne doit pas être utilisé comme traitement de première ligne. Cependant, aucun de ces médicaments ne prévient la récidive chez le patient transplanté. Le traitement immunosuppresseur doit être évité en cas de maladie rénale fibrosante avancée, laquelle n'est pas réversible.

Autres traitements

Bien que d'autres interventions aient été essayées pour réduire la surproduction d'IgA et inhiber la prolifération mésangiale, les données en faveur de l'une d'entre elles sont limitées ou absentes, et aucune ne peut être recommandée pour un traitement de routine. Ces interventions comprennent l'élimination du gluten, des produits laitiers, des œufs et de la viande du régime alimentaire; l'amygdalectomie; et des immunoglobulines IV pendant 3 mois suivies par des immunoglobulines IM pendant 6 mois. Tous réduisent théoriquement la production d'IgA. L'héparine, le dipyridamole et les statines sont quelques exemples d'inhibiteurs des cellules mésangiales in vitro.

Chez les patients qui évoluent vers une insuffisance rénale, la transplantation rénale est préférable à la dialyse en raison de l'amélioration de la survie sans maladie à long terme. La pathologie récidive chez environ 30% des receveurs de greffe (5).

Références pour le traitement

  1. 1. Rovin BH, Barratt J, Heerspink HJL, et al: Efficacy and safety of sparsentan versus irbesartan in patients with IgA nephropathy (PROTECT): 2-year results from a randomised, active-controlled, phase 3 trial. Lancet 402(10417):2077-2090, 2023. doi:10.1016/S0140-6736(23)02302-4

  2. 2. Wheeler DC, Toto RD,  Stefánsson BV, et al: A pre-specified analysis of the DAPA-CKD trial demonstrates the effects of dapagliflozin on major adverse kidney events in patients with IgA nephropathy. Kidney Int 100(1):215-224, 2021. doi: 10.1016/j.kint.2021.03.033

  3. 3. Lv J, Wong MG, Hladunewich MA, et al: Effect of oral methylprednisolone on decline in kidney function or kidney failure in patients with IgA nephropathy: The TESTING randomized clinical trial. JAMA 327(19):1888-1898, 2022. doi: 10.1001/jama.2022.5368

  4. 4. Kidney Disease: Improving Global Outcomes (KDIGO) Glomerular Diseases Work Group. KDIGO 2021 Clinical Practice Guideline for the Management of Glomerular Diseases. Kidney Int 100(4S):S1-S276, 2021. doi:10.1016/j.kint.2021.05.021

  5. 5. Jäger C, Stampf S, Molyneux K, et al: Recurrence of IgA nephropathy after kidney transplantation: Experience from the Swiss transplant cohort study. BMC Nephrol 23(1):178, 2022. doi: 10.1186/s12882-022-02802-x

Pronostic de la néphropathie à IgA

La néphropathie à IgA présente une évolution hétérogène mais progresse généralement lentement; une maladie rénale chronique peut se développer. Les patients non hypertendus au moment du diagnostic peuvent développer une hypertension. La progression vers l'insuffisance rénale est variable, survenant chez 5 à 60% des patients après 10 ans (1). Le pronostic est habituellement bon lorsque la néphropathie à IgA est diagnostiquée chez l'enfant. Cependant, une hématurie persistante conduit invariablement à une hypertension, à une protéinurie et à une maladie rénale chronique. Les facteurs de risque de détérioration progressive de la fonction rénale incluent les suivants:

  • Protéinurie > 1 g/jour

  • Créatinine sérique élevée

  • HTA non contrôlée

  • Hématurie microscopique persistante

  • Importantes lésions fibrosantes dans le glomérule ou l'interstitium

  • Croissants à la biopsie

Référence pour le pronostic

  1. 1. Barbour SJ, Coppo R, Zhang H, et al. Evaluating a New International Risk-Prediction Tool in IgA Nephropathy [published correction appears in JAMA Intern Med. 2019 Jul 1;179(7):1007. doi: 10.1001/jamainternmed.2019.2030]. JAMA Intern Med 2019;179(7):942-952. doi:10.1001/jamainternmed.2019.0600

Points clés

  • La néphropathie à immunoglobuline A (IgA) est la cause la plus fréquente de glomérulonéphrite dans le monde entier et est fréquente chez les jeunes adultes dans les pays asiatiques et européens.

  • Évoquer le diagnostic chez les patients présentant des signes inexpliqués de glomérulonéphrite, en particulier quand elle se produit dans les 2 jours d'une maladie fébrile des muqueuses ou associée à une douleur de l'hypochondre.

  • Traiter les patients ayant une créatinine > 1,2 mg/dL (106,08 micromol/L) ou une protéinurie > 300 mg/jour avec des inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IEC) ou des antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II (ARAII), puis avec un inhibiteur du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2) ou un antagoniste double des récepteurs de l'endothéline et de l'angiotensine (chez les patients à risque de progression rapide de la maladie) si la protéinurie persiste.

  • Réserver les corticostéroïdes aux patients présentant une aggravation de la fonction rénale ou une protéinurie (> 1 g/jour) malgré un traitement par inhibiteur de l'ECA ou un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II plus un inhibiteur de SGLT2, ou un antagoniste double des récepteurs de l'endothéline et de l'angiotensine.

  • Traiter les patients présentant des lésions prolifératives ou une glomérulonéphrite d'évolution rapide par des corticostéroïdes et du cyclophosphamide.

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