Distribution des médicaments dans les tissus

ParJennifer Le, PharmD, MAS, BCPS-ID, FIDSA, FCCP, FCSHP, Skaggs School of Pharmacy and Pharmaceutical Sciences, University of California San Diego
Vérifié/Révisé juin 2022
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    Après son entrée dans la circulation générale, le médicament est distribué dans les tissus de l'organisme. La distribution est généralement inégale compte tenu du fait de différences en termes de débit sanguin irriguant les tissus, de fixation aux tissus (p. ex., liée à la teneur en lipides), du pH local et de la perméabilité des membranes cellulaires.

    La vitesse de pénétration d'un médicament dans un tissu dépend du débit sanguin irriguant le tissu, du volume tissulaire et de la répartition du médicament entre le sang et le tissu. Dans les régions richement vascularisées, l'équilibre de distribution entre le sang et les tissus (lorsque les vitesses d'entrée et de sortie sont les mêmes) s'établit plus rapidement, à moins que la diffusion à travers les membranes cellulaires ne soit le facteur limitant de la vitesse. Lorsque l'équilibre de distribution est atteint, les concentrations du médicament dans les tissus et les liquides extracellulaires sont représentées par la concentration plasmatique. Le métabolisme et l'excrétion se produisent en même temps que la distribution, ce qui rend le processus dynamique et complexe.

    Une fois que le médicament a pénétré dans les tissus, la diffusion des médicaments dans les liquides interstitiels est principalement déterminée par la perfusion. Dans le cas des tissus faiblement irrigués (p. ex., muscle et graisse), la diffusion est très lente, en particulier si le tissu a une grande affinité pour le médicament.

    (Voir aussi Revue générale de la pharmacocinétique.)

    Volume de distribution

    Le volume de distribution apparent est le volume théorique de liquide dans lequel la totalité du médicament administré devrait être diluée pour obtenir une concentration plasmatique donnée. Par exemple, si on administre 1000 mg d'un médicament et que la concentration plasmatique en résultant est de 10 mg/L, les 1000 mg semblent se distribuer dans 100 L (dose/volume = concentration; 1000 mg/x L = 10 mg/L; donc, x= 1000 mg/10 mg/L = 100 L).

    Le volume de distribution n'est pas assimilé au volume réel de l'organisme ou à ses différents compartiments liquidiens, mais renseigne plutôt sur la capacité de distribution du médicament dans l'organisme. Dans le cas d'un médicament à fort tropisme tissulaire, seule une faible quantité reste dans la circulation; ce qui implique une concentration plasmatique basse et un volume de distribution élevé. Les médicaments qui restent dans la circulation ont souvent un faible volume de distribution.

    Le volume de distribution fournit une indication de la concentration plasmatique attendue en cas d'administration d'une dose donnée, mais fournit peu d'informations sur le profil spécifique de distribution. Chaque médicament se distribue dans l'organisme d'une façon particulière. Certains se fixent préférentiellement dans les graisses, d'autres restent dans le liquide extra-cellulaire, alors que d'autres sont fortement liés à des tissus spécifiques.

    De nombreux médicaments acides (p. ex., la warfarine et l'aspirine) sont fortement liés aux protéines et, en conséquence, leur volume de distribution apparent est faible. De nombreux de médicaments basiques (p. ex., amphétamine et mépéridine) sont fortement captés par les tissus et leur volume de distribution apparent est donc supérieur au volume de l'organisme tout entier.

    Liaison

    L'importance de la diffusion des médicaments dans les tissus dépend de la liaison aux protéines plasmatiques et aux constituants tissulaires. Dans la circulation sanguine, les médicaments sont transportés en partie en solution sous forme libre (non liée) et en partie sous forme de liaison réversible aux composants sanguins (p. ex., les protéines plasmatiques et les cellules sanguines). Des nombreuses protéines plasmatiques pouvant interagir avec les médicaments, les plus importantes sont l'albumine, l'alpha-1-glycoprotéine acide et les lipoprotéines. Les médicaments acides sont généralement fortement liés à l’albumine; tandis que les médicaments basiques se lient davantage à l'alpha-1-glycoprotéine acide et/ou aux lipoprotéines.

    Seul le médicament libre est disponible pour diffuser passivement jusqu'aux sites extravasculaires ou tissulaires où ont lieu les effets pharmacologiques. Par conséquent, la concentration de médicament libre dans la circulation systémique reflète généralement la concentration du médicament au niveau du site d'action et donc son efficacité.

    À forte concentration, la quantité de médicament lié tend vers une limite supérieure déterminée par le nombre de sites de liaison disponibles. La saturation des sites de liaison est la base des interactions de déplacement entre les médicaments (voir Interactions médicament-récepteur).

    Les médicaments se lient à de nombreuses substances autres que les protéines. La liaison se produit habituellement quand un médicament se lie à une macromolécule dans un environnement aqueux, mais peut également se produire quand un médicament se réparti dans la masse grasse de l'organisme. La graisse étant peu irriguée, le temps d'équilibre est long, en particulier si le médicament est fortement lipophile.

    L'accumulation des médicaments dans les tissus ou les compartiments de l'organisme peut prolonger l'action des médicaments car les tissus libèrent la substance accumulée quand la concentration plasmatique du médicament diminue. Par exemple, le thiopental, très liposoluble, pénètre rapidement dans le cerveau après une seule injection IV et a un effet anesthésique important et rapide; l’effet se termine en quelques minutes dès lors que le médicament est redistribué vers des tissus adipeux plus lentement perfusés. Le thiopental est alors libéré lentement de ses sites de stockage adipeux, maintenant des taux plasmatiques associés à un faible effet anesthésique. Ces taux peuvent devenir importants si les prises de thiopental sont répétées, induisant un stockage massif dans les tissus graisseux. Ainsi, le stockage dans les graisses raccourcit initialement l'effet du médicament puis ensuite le prolonge.

    Certains médicaments s'accumulent dans les cellules parce qu'ils se lient à des protéines, à des phospholipides ou à des acides nucléiques. Par exemple, les concentrations intracellulaires de chloroquine dans les globules blancs et le foie peuvent être des milliers de fois supérieures à celles du plasma. Le médicament dans les cellules est en équilibre avec celui présent dans le plasma et se déplace vers le plasma au fur et à mesure de son élimination de l'organisme.

    Barrière hématoencéphalique

    Les médicaments atteignent le système nerveux central via les capillaires cérébraux et le liquide céphalorachidien. Bien que le cerveau soit irrigué par environ 1/6 du débit cardiaque, la pénétration des médicaments est restreinte en raison des caractéristiques de perméabilité du cerveau. Bien que certains médicaments liposolubles (p. ex., le thiopental) pénètrent facilement dans le cerveau, les composés polaires ne le peuvent pas. La cause en est l'existence de la barrière hématoencéphalique, constituée par l'endothélium des capillaires cérébraux et par la gaine astrocytaire. Les cellules endothéliales des capillaires cérébraux qui semblent plus étroitement reliées entre elles que celles de la plupart des capillaires, ralentissent la diffusion des médicaments hydrosolubles. La gaine astrocytaire est constituée d'une couche de cellules du tissu conjonctif glial de soutien (astrocytes) près de la membrane basale de l'endothélium capillaire. Avec le vieillissement, la barrière hématoencéphalique peut devenir moins efficace, permettant une augmentation du passage de composés dans le cerveau.

    Les médicaments peuvent pénétrer dans le liquide céphalorachidien ventriculaire directement par les plexus choroïdes, puis diffuser passivement dans le tissu cérébral à partir du liquide céphalorachidien. Les plexus choroïdes sont également le siège d'un transport actif d'acides organiques (p. ex., la pénicilline) du liquide céphalorachidien vers le sang.

    Les principaux facteurs influençant la vitesse de pénétration d'un médicament dans le liquide céphalorachidien, comme dans les cellules d'autres tissus, comprennent l'importance de la liaison protéique, le degré d'ionisation et le coefficient de partage lipide-eau du produit. Le taux de pénétration dans le cerveau est faible pour les médicaments fortement liés aux protéines et pratiquement inexistant pour la forme ionisée d'acides et de bases faibles. Le système nerveux central est si bien perfusé que la vitesse de diffusion d'un médicament est conditionnée principalement par la perméabilité.

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