Le Manuel MSD

Please confirm that you are a health care professional

honeypot link

Syndrome de Stevens-Johnson et nécrolyse épidermique toxique

Par

Julia Benedetti

, MD, Harvard Medical School

Vérifié/Révisé avr. 2022
Voir l’éducation des patients
Ressources du sujet

Le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrolyse épidermique toxique sont des réactions graves d'hypersensibilité cutanée. Les médicaments, en particulier les sulfamides, les antiépileptiques et les antibiotiques, sont les causes les plus fréquentes. Des macules se répandent rapidement et fusionnent, aboutissant à la formation de bulles épidermiques, de nécrose et au décollement cutané. Le diagnostic est habituellement évident avec l'apparition des lésions initiales et du syndrome clinique. Le traitement est un traitement de support; la cyclosporine, la plasmaphérèse ou les immunoglobulines IV, la corticothérapie précoce et les inhibiteurs du TNF (Tumor Necrosis Factor)-alpha ont été utilisés. La mortalité peut aller jusqu’à 7,5% chez l’enfant et 20 à 25% chez l’adulte, mais elle a tendance à être plus faible en cas de traitement précoce.

Le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrolyse épidermique toxique sont cliniquement similaires, sauf en ce qui concerne leur distribution. Selon une définition consensuelle, les lésions affectent < 10% de la surface corporelle dans le syndrome de Stevens-Johnson et > 30% de la surface corporelle dans la nécrolyse épidermique toxique; l'atteinte 10 à 30% de la surface corporelle est considérée comme une superposition de syndrome de Stevens-Johnson-nécrolyse épidermique toxique.

Étiologie du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique

Les médicaments sont responsables de plus de 50% des cas de syndrome de Stevens-Johnson et de jusqu’à 95% des cas de nécrolyse épidermique toxique. Les causes médicamenteuses les plus fréquentes comprennent

  • Les sulfamides (p. ex., sulfasalazine)

  • Autres antibiotiques (p. ex., aminopénicillines [habituellement ampicilline ou amoxicilline], fluoroquinolones, céphalosporines)

  • Médicaments antiépileptiques (p. ex., phénylhydantoïne, carbamazépine, phénobarbital, acide valproïque et ses dérivés, lamotrigine)

  • Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (p. ex., piroxicam, méloxicam)

  • Médicaments antirétroviraux (p. ex., névirapine)

  • Divers médicaments spécifiques (p. ex., allopurinol, chlormézanone)

Les cas qui ne sont pas dus aux médicaments sont attribués à

Rarement, aucune cause ne peut être identifiée.

Physiopathologie du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique

Le mécanisme exact du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique est inconnu; cependant, une théorie veut que chez certains patients un métabolisme médicamenteux altéré (p. ex., incapacité à se débarrasser des métabolites réactifs) entraîne chez certains patients une réaction cytotoxique médiée par les lymphocytes T contre des antigènes présents dans les kératinocytes. Les cellules T CD8+ ont été identifiées comme étant des médiateurs importants de la formation de bulles.

Des résultats suggèrent que la granulysine libérée par les lymphocytes T cytotoxiques et les cellules tueuses naturelles pourrait jouer un rôle dans la mort des kératinocytes; la concentration en granulysine dans le liquide des bulles est corrélée avec la gravité de la maladie. L'interleukine-15 s'est également avérée être augmentée chez les patients atteints de syndrome de Stevens-Johnson/nécrolyse épidermique toxique et a été montrée augmenter la production de granulysine. Une autre théorie est que les interactions entre Fas (un récepteur présent à la surface de la cellule qui induit une apoptose) et ses ligands, en particulier une forme soluble du ligand Fas libéré par les cellules mononucléaires provoquent une mort cellulaire et la formation de bulles. Une prédisposition génétique au syndrome de Stevens-Johnson/nécrolyse épidermique toxique a été suggérée.

Symptomatologie du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique

En 1 à 3 semaines après le début de la prise du médicament incriminé, le patient développe un prodrome associant sensation de malaise, fièvre, céphalées, toux, et kératoconjonctivite. Des macules, souvent sous forme de "cocarde", apparaissent alors brutalement, habituellement sur le visage, le cou et la partie supérieure du tronc. Ces lésions apparaissent simultanément ailleurs sur le corps, confluent en de grandes bulles flaccides et se décollent sur une période de 1 à 3 jours. Les ongles et les sourcils peuvent tomber avec l'épithélium. Les paumes et les plantes des pieds peuvent être impliqués. Les douleurs cutanées, muqueuses et oculaires sont courantes. Dans certains cas, un érythème diffus est la première anomalie de la peau dans la nécrolyse épidermique toxique.

Dans les cas graves de nécrolyse épidermique toxique, de larges lambeaux d'épithélium se décollent sur tout le corps aux points de pression (signe de Nikolsky), exposant un derme suintant, douloureux et érythémateux. Des croûtes et des érosions orales douloureuses, une kératoconjonctivite et des problèmes génitaux (p. ex., urétrite, phimosis, synéchies vaginales) peuvent accompagner le décollement cutané jusque dans 90% des cas. L'épithélium bronchique peut également se décoller, provoquant toux, dyspnée, pneumonie, œdème du poumon, hypoxémie. Une glomérulonéphrite et une hépatite aiguë peuvent se développer.

Diagnostic du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique

  • Bilan clinique

  • Souvent une biopsie cutanée

Le diagnostic est souvent établi grâce à l'apparence des lésions et à la progression rapide des symptômes. L'examen histologique de la peau décollée montre un épithélium nécrotique caractéristique.

Le diagnostic différentiel du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique à un stade précoce comprend l’ érythème polymorphe Érythème polymorphe L’érythème polymorphe est une réaction inflammatoire, caractérisée par des lésions cutanées dites en "cible" ou "iris" ou "cocarde". La muqueuse orale peut être atteinte. Le diagnostic est clinique... en apprendre davantage Érythème polymorphe , les exanthèmes viraux, et d'autres éruptions cutanées médicamenteuses; les syndromes de Stevens-Johnson et de nécrolyse épidermique toxique peuvent généralement être différenciés cliniquement à mesure que les troubles évoluent et se caractérisent par une douleur de la peau et une desquamation importantes. Aux stades avancés de la nécrolyse épidermique toxique, le diagnostic différentiel comprend les éléments suivants:

Chez l'enfant, la nécrolyse épidermique toxique est moins fréquente et doit être distinguée de l' épidermolyse staphylococcique Syndrome d'épidermolyse staphylococcique Le syndrome d'épidermolyse staphylococcique est une épidermolyse aiguë provoquée par une toxine staphylococcique. Les nourrissons et les enfants sont plus vulnérables. Les symptômes sont des... en apprendre davantage Syndrome d'épidermolyse staphylococcique . Les caractéristiques du syndrome d'épidermolyse staphylococcique comprennent habituellement une épargne des muqueuses, l'absence de facteurs de risque de nécrolyse épidermique toxique (p. ex., antécédents médicamenteux) et une suspicion clinique d'infection staphylococcique.

Pronostic du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique

La nécrolyse épidermique toxique sévère est similaire à des brûlures étendues; les patients sont gravement malades, peuvent ne pas être en mesure de manger ou d'ouvrir les yeux et souffrent de pertes hydriques et électrolytiques massives. Ils sont à haut risque d'infection, d'insuffisance multiviscérale et de mort. Avec un traitement précoce, le taux de survie s’approche de 90%. Le score de gravité de la nécrolyse épidermique toxique Score de gravité de la maladie pour la nécrolyse épidermique toxique (SCORTEN, Severity-of-Illness Score for Toxic Epidermal Necrolysis)  Score de gravité de la maladie pour la nécrolyse épidermique toxique (SCORTEN, Severity-of-Illness Score for Toxic Epidermal Necrolysis) est effectué systématiquement sur 7 facteurs de risque indépendants dans les 24 premières heures de l'admission à l'hôpital pour déterminer le risque de mortalité pour un patient donné.

Tableau

Score de gravité de la maladie pour la nécrolyse épidermique toxique (SCORTEN, Severity-of-Illness Score for Toxic Epidermal Necrolysis)

Facteur de risque*

Score

0

1

Âge

< 40 ans

40 ans

Cancer associé

Non

Oui

Fréquence cardiaque (battements/minute)

< 120

120

Azote uréique sérique

28 mg/dL (10 mmol/L)

> 28 mg/dL (10 mmol/L)

Surface du corps détachée ou atteinte

< 10%

10%

Bicarbonate sérique

≥ 20 mEq/L (≥ 20 mmol/L)

< 20 mEq/L (< 20 mmol/L)

Glycémie

250 mg/dL (≤ 13,88 mmol/L)

> 250 mg/dL (> 13,88 mmol/L)

*Un plus grand nombre de facteurs de risque est associé à un score et à une mortalité plus élevée (%) comme suit:

  • 0–1 = 3,2% (Intervalle de confiance: 0,1 à 16,7)

  • 2 = 12,1% (Intervalle de confiance: 5,4 à 22,5)

  • 3 = 35,3% (Intervalle de confiance: 19,8 à 53,5)

  • 4 = 58,3% (Intervalle de confiance: 36,6 à 77,9)

  • 5 = > 90% (IC: 55,5 à 99,8)

IC = intervalle de confiance.

Données d'après Bastuji-Garin S, Fouchard N, Bertocchi M, et al: SCORTEN: A severity-of-illness score for toxic epidermal necrolysis. J Invest Dermatol 115:149–153, 2000. doi: 10.1046/j.1523-1747.2000.00061.x

Traitement du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique

  • Soins de support

  • Cyclosporine

  • Éventuellement corticostéroïdes, plasmaphérèse, immunoglobulines IV (IgIV) ou inhibiteurs du Tumor Necrosis Factor (TNF)-alpha

Le traitement a de meilleures chances de succès lorsque le syndrome de Stevens-Johnson ou la nécrolyse épidermique toxique est reconnu précocement et traité dans une unité de dermatologie hospitalière ou en USI; le traitement dans une unité des grands brûlés Traitement Les brûlures sont des lésions de la peau ou d'autres tissus provoquées par un contact thermique, chimique, électrique ou par des radiations. Les brûlures sont classées en fonction de leur profondeur... en apprendre davantage  Traitement peut être nécessaire en cas de forme grave. Une consultation ophtalmologique et des soins oculaires spécialisés sont obligatoires en cas d'atteinte oculaire. Il faut arrêter les traitements médicamenteux potentiellement en cause immédiatement. Le patient est isolé pour minimiser l'exposition aux infections et reçoit un apport hydroélectrolytique, des produits sanguins ou des suppléments nutritionnels, selon les besoins. Les soins cutanés comprennent un traitement rapide des surinfections bactériennes et un soin des plaies comme dans le cas des brûlures sévères. Les antibiothérapies prophylactiques systémiques sont controversées et souvent évitées.

Le traitement médicamenteux du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrolyse épidermique toxique est controversé. La cyclosporine (3 à 5 mg/kg par voie orale 1 fois/jour) inhibe les cellules CD8 et a démontré sa capacité à diminuer la durée de la maladie active de 2 à 3 jours dans certains cas, et éventuellement à réduire la mortalité. L'utilisation de corticostéroïdes systémiques reste controversée. De nombreux experts estiment que les corticostéroïdes systémiques augmentent la mortalité en raison de l'augmentation des taux d'infection et du risque de masquage d'un sepsis. Cependant, certains rapports montrent des résultats améliorés en cas de corticothérapie précoce.

Des plasmaphérèses Plasmaphérèse L'aphérèse correspond au processus de séparation des composants cellulaires et solubles du sang à l'aide d'une machine. L'aphérèse est souvent pratiquée sur des donneurs dont le sang total est... en apprendre davantage peuvent éliminer les métabolites ou les anticorps réactifs aux médicaments et peuvent être envisagés. Un début rapide des IgIV à haute dose 2,7 g/kg en 3 jours bloque les anticorps et le ligand Fas. Cependant, malgré quelques résultats initiaux remarquables des IgIV à forte dose dans la nécrolyse épidermique toxique, d'autres essais cliniques impliquant de petites cohortes ont rapporté des résultats contradictoires et une analyse rétrospective n'a montré aucune amélioration ou même une mortalité plus élevée que prévu (1 Référence pour le traitement Le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrolyse épidermique toxique sont des réactions graves d'hypersensibilité cutanée. Les médicaments, en particulier les sulfamides, les antiépileptiques... en apprendre davantage Référence pour le traitement ).

Les inhibiteurs du TNF-alpha, l'infliximab et l'étanercept, peuvent réduire l'inflammation.

La thalidomide a également été testée mais augmente la mortalité et est à présent contre-indiquée.

Référence pour le traitement

  • 1. Kirchhof MG, Miliszewski MA, Sikora S, et al: Retrospective review of Stevens-Johnson syndrome/toxic epidermal necrolysis treatment comparing intravenous immunoglobulin with cyclosporine. J Am Acad Dermatol 71(5):941–947, 2014. doi: 10.1016/j.jaad.2014.07.016

Points clés

  • Les médicaments provoquent > 50% des cas de syndrome de Stevens-Johnson et jusqu'à 95% des cas de nécrolyse épidermique toxique, mais l'infection, la vaccination et la réaction du greffon contre l'hôte sont également des causes potentielles.

  • Confirmer le diagnostic par la biopsie (qui montre un épithélium nécrotique) si les caractéristiques cliniques (p. ex., des lésions en cible évoluant en bulles, une atteinte oculaire et des muqueuses, un signe de Nikolsky, une desquamation en feuilles) ne sont pas concluantes.

  • Un traitement précoce diminue la mortalité qui est souvent élevé.

  • Sauf pour les cas bénins, le traitement du syndrome de Stevens-Johnson/nécrolyse épidermique toxique doit se faire en unité de brulés et de soins intensifs.

  • Consulter un ophtalmologiste si les yeux sont touchés.

  • Envisager la cyclosporine et éventuellement les plasmaphérèses pour les cas graves.

Voir l’éducation des patients
REMARQUE : Il s’agit de la version professionnelle. GRAND PUBLIC : AFFICHER LA VERSION GRAND PUBLIC
quiz link

Test your knowledge

Take a Quiz! 
ANDROID iOS
ANDROID iOS
ANDROID iOS
HAUT