(Voir aussi Revue générale des anomalies cardiovasculaires.)
La tétralogie de Fallot (voir figure Tétralogie de Fallot) représente 7 à 10% des anomalies cardiaques congénitales. Les anomalies associées comprennent une crosse de l’aorte droite (25%), des anomalies anatomiques des artères coronaires (5 à 10%), des sténoses des branches de l’artère pulmonaire, la présence de vaisseaux collatéraux aortopulmonaires, la persistance du canal artériel, une communication auriculoventriculaire complète et une communication interauriculaire, une communication interventriculaire et une insuffisance valvulaire aortique.
Tétralogie de Fallot
Physiopathologie
La communication septale ventriculaire dans la tétralogie de Fallot est souvent décrite comme un type de désalignement, car le septum conal est déplacé antérieurement. Ce septum déplacé fait saillie dans le tractus pulmonaire d'éjection, entraînant souvent une obstruction et une hypoplasie des structures d'aval, notamment de la valve pulmonaire, de l'artère pulmonaire principale et des branches de l'artère pulmonaire. La communication interventriculaire est habituellement large; ainsi, les pressions systoliques dans les ventricules droit et gauche (et dans l’aorte) sont les mêmes. La physiopathologie dépend du degré de l'obstruction à l'éjection du ventricule droit. Une obstruction légère peut entraîner un shunt gauche-droite à travers la communication interventriculaire; une obstruction importante entraîne un shunt droite-gauche, ce qui entraîne une saturation artérielle systémique basse (cyanose) qui ne répondra pas à un apport accru d'oxygène.
Crises hypercyanotiques
Chez certains enfants porteurs d'une tétralogie de Fallot non réparée, le plus souvent âgés de quelques mois à 2 ans, des épisodes soudains de cyanose et d'hypoxie (hypercyanotique) profondes peuvent se produire et être mortels. Un malaise peut être déclenché par tout événement qui diminue même légèrement la saturation en oxygène (p. ex., pleurs, défécation) ou qui diminue brusquement les résistances vasculaires systémiques (p. ex., jeux, mouvements des jambes au réveil) ou par l'apparition soudaine de tachycardie ou d'hypovolémie.
Le mécanisme de ces crises hypercyanotiques est mal connu, mais plusieurs facteurs sont probablement importants en provoquant une augmentation du shunt droite-gauche et une chute de la saturation artérielle. Les facteurs comprennent une augmentation de l'obstruction du ventricule droit, une augmentation de la résistance vasculaire pulmonaire et/ou une diminution de la résistance systémique, un cercle vicieux provoqué par la baisse initiale de la Po2 artérielle, qui stimule le centre respiratoire et provoque une hyperpnée et une augmentation du tonus adrénergique. L'augmentation des catécholamines circulantes stimule alors l'augmentation de la contractilité, qui augmente obstruction de la voie pulmonaire.
Symptomatologie
Le nouveau-né qui présente une importante obstruction (ou une atrésie) de la voie pulmonaire a une cyanose et une dyspnée intense durant l'alimentation, conduisant à une prise de poids insuffisante. Les nouveau-nés présentant une obstruction modérée peuvent ne pas avoir de cyanose au repos.
Les crises hypercyanotiques peuvent être déclenchées par l'effort et sont caractérisés par des crises d'hyperpnée (mouvements respiratoires rapides et profonds), par une irritabilité et des pleurs prolongés, une cyanose croissante, une baisse d'intensité des souffles cardiaques. Les accès se produisent le plus souvent chez les jeunes enfants; le pic d’incidence est à l’âge de 2 à 4 mois. Un malaise grave peut entraîner un état léthargique, des convulsions et parfois la mort. Pendant qu'ils sont en train de jouer, certains enfants s'accroupissent. Cette position réduit le retour veineux systémique, augmente sans doute les résistances vasculaires systémiques et donc la saturation artérielle en oxygène.
L'auscultation détecte un souffle mésosystolique râpeux de grade 3 à 5/6 au niveau du bord sternal supérieur et moyen (voir tableau Intensité des souffles cardiaques). Le souffle de la tétralogie est dû à la sténose pulmonaire; la communication interventriculaire est habituellement silencieuse parce qu’elle est large et n'a pas de gradient de pression. Le 2e bruit cardiaque (B2) est habituellement solitaire, car la composante pulmonaire est nettement réduite. Un important choc de pointe du ventricule droit et un frémissement systolique peuvent être présents.
Diagnostic
Le diagnostic de la tétralogie de Fallot est évoqué par l'anamnèse et l'examen clinique, confirmé par la rx thorax et l'ECG et établi formellement par l'échocardiographie bidimensionnelle avec Doppler couleur, continu et pulsé. La rx thorax montre un cœur en forme de botte avec un arc artériel pulmonaire concave et une diminution de la vascularisation pulmonaire. Une crosse de l’aorte droite est présente dans 25% des cas.
L'ECG montre une hypertrophie ventriculaire droite et peut également montrer une hypertrophie de l'oreillette droite.
Un cathétérisme cardiaque est rarement nécessaire, sauf en cas de suspicion d'une anomalie coronarienne qui pourrait affecter l'approche chirurgicale (p. ex., antérieure découlant de l'artère coronaire droite) et ne peut être clarifié avec l'échocardiographie.
Traitement
Une perfusion de prostaglandine E1 (en commençant à 0,05 à 0,1 mcg/kg/min IV) sera administrée au nouveau-né atteint d'une cyanose sévère due à une constriction du canal artériel afin de rouvrir ce canal et ainsi augmenter le flux sanguin pulmonaire.
Crises hypercyanotiques
Les crises hypercyanotiques nécessitent une intervention immédiate. Les premières étapes consistent à
Si la crise hypercyanotique persiste, le traitement médical standard comprend la morphine, la phényléphrine et les bêta-bloqueurs (propranolol ou esmolol): voir tableau Médicaments des crises hypercyanotiques.
Médicaments des crises hypercyanotiques
Si des mesures standards ne permettent pas de contrôler les accès, la PA systémique peut être augmentée par la kétamine 0,5 à 3 mg/kg IV ou 2 à 3 mg/kg IM (kétamine a également un effet sédatif bénéfique).
L'utilisation du midazolam et du fentanyl par voie intranasale comme solution de remplacement de la morphine dans le traitement des crises hypercyanotiques a été décrite. Ces médicaments ont l’avantage de ne pas nécessiter d’accès IV (1, 2).
Du bicarbonate de sodium, 1 mEq/kg IV, peut être administré en cas d'acidose métabolique.
Finalement, si le repositionnement et les médicaments ne soulagent pas le malaise cyanotique ou si le nourrisson se détériore rapidement, une intubation trachéale avec paralysie musculaire et anesthésie générale, une oxygénation veino-artérielle par membrane extracorporelle (ECMO) ou une intervention chirurgicale urgente peuvent être nécessaires.
Le propranolol 0,25 à 1 mg/kg par voie orale toutes les 6 h (administré jusqu'à la réparation chirurgicale) peut prévenir les récidives. La plupart des experts estiment que même un seul malaise cyanotique significatif indique la nécessité d'une réparation chirurgicale rapide.
Traitement radical
La réparation complète de la tétralogie de Fallot comprend la fermeture par patch de la communication interventriculaire, l'élargissement de la voie d'éjection ventriculaire droite par une résection musculaire, une valvuloplastie pulmonaire et, si nécessaire, une augmentation par patch de la dimension de l’artère pulmonaire principale. En cas d’hypoplasie importante de l’anneau de la valve pulmonaire, un patch transannulaire est posé. La chirurgie est habituellement pratiquée électivement à l'âge de 2 à 6 mois mais peut l'être à tout moment en cas de symptômes ou d'obstruction graves du ventricule droit.
Chez certains nouveau-nés de petit poids de naissance ou dont l'anatomie est complexe, le traitement palliatif initial peut être préféré à une réparation complète; la procédure habituelle est un shunt de Blalock-Taussig modifié, dans laquelle l’artère sous-clavière est reliée à l'artère pulmonaire homolatérale par une prothèse synthétique. Plus récemment, une intervention transcathéter pour stenter le canal de sortie du ventricule droit a été utilisée comme procédure palliative alternative avec de bons résultats (3).
La mortalité péri-opératoire de la réparation complète est < 5% en cas de tétralogie de Fallot non compliquée. Chez le patient non opéré, la survie est de 55% à 5 ans et de 30% à 10 ans.
La prophylaxie de l'endocardite est recommandée avant l'opération mais n'est requise que pendant les 6 premiers mois après la réparation sauf s'il subsiste une anomalie résiduelle adjacente à un patch chirurgical ou à du matériel prothétique.
Références pour le traitement
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1. Montero JV, Nieto EM, Vallejo IR, et al: Intranasal midazolam for the emergency management of hypercyanotic spells in tetralogy of Fallot. Pediatr Emerg Care 31(4): 269–271, 2015.
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2. Tsze DS, Vitberg YM, Berezow J, et al: Treatment of tetralogy of Fallot hypoxic spell with intranasal fentanyl. Pediatrics 134(1): e266–e269, 2014.
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3. Sandoval JP, Chaturvedi RR, Benson L, et al: Right ventricular outflow tract stenting in tetralogy of Fallot infants with risk factors for early primary repair. Circ Cardiovasc Interv 9(12): pii: e003979, 2016.
Points clés
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La tétralogie de Fallot implique une communication interventriculaire large, une obstruction à l'éjection du ventricule droit et de la valvule pulmonaire et une aorte à cheval.
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Le flux sanguin pulmonaire est diminué, le ventricule droit s'atrophie et du sang non oxygéné pénètre dans l'aorte par la communication interventriculaire.
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Les manifestations dépendent du degré d'obstruction du ventricule droit; les nouveau-nés gravement touchés ont une cyanose marquée, une dyspnée lors de l'alimentation, une faible prise de poids et un souffle systolique d'éjection rude de niveau 3 à 5/6.
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Les crises hypercyanotiques sont des épisodes soudains de cyanose et d'hypoxie profondes qui peuvent être déclenchés par une baisse de la saturation de l'oxygène (p. ex., lors des pleurs, de la défécation), par une diminution de la résistance vasculaire systémique (p. ex., lors des jeux, des coups de pied), ou lors d'une tachycardie ou d'une hypovolémie soudaines.
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Administrer aux nouveau-nés atteints d'une cyanose sévère une perfusion de prostaglandine E1 afin d'ouvrir le canal artériel.
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Placer les nourrissons qui ont des crises hypercyanotiques en position genu-pectorale et administrer de l'oxygène; parfois, des opiacés (morphine ou fentanyl), une expansion volumique, du bicarbonate de sodium, des bêta-bloqueurs (propranolol ou esmolol) ou de la phényléphrine peuvent être utiles.
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Réparer chirurgicalement entre 2 et 6 mois ou plus tôt si les symptômes sont sévères.